Une étude très sérieuse, mais qui sent le soufre, réalisée par des chercheurs sud-coréens en 2020, révèle que Sergueï Rachmaninov serait le musicien classique le plus innovant parmi les plus grands compositeurs de ces derniers siècles.
900 œuvres pour piano de 19 compositeurs décortiquées
Pour réaliser leur étude, Doheum Park et Juhan Nam encadrés par le Dr Juyon Park, ont créé un modèle informatique auquel ils ont soumis 900 compositions pour piano écrites par 19 grands compositeurs entre 1700 et 1910. Selon Juyon Park : « Ce modèle permet de calculer le degré de mélodies partagées et d’harmonies entre les œuvres passées et futures et d’observer l’évolution des styles musicaux occidentaux en démontrant comment des compositeurs éminents ont pu innover et s’influencer mutuellement. La période de la musique que nous avons étudiée est largement reconnue pour avoir produit de nombreux styles musicaux qui sont encore influents aujourd’hui ».
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À travers 4 périodes musicales déterminées, Baroque (1700–1750), Classique (1750–1820), transition Classico/Romantisme (1800–1820) et Romantisme (1820–1910) des œuvres majeures pour piano de Haendel, Bach, Scarlatti, Mozart, Clementi, Haydn, Beethoven, Schubert, Moussorgski, Tchaïkovski, Brahms, Mendelssohn, Debussy, Albeniz, Ravel, Schumann, Chopin, Liszt et Rachmaninov ont donc été passées à la moulinette des ordinateurs et calculateurs du Korea Advanced Institute of Science and Technology (KAIST) à Daejeon.

Beethoven jugé par l’étude pas très « original »
Le modèle a comparé chaque nouvelle période musicale à la précédente en fonction de la montée en puissance de compositeurs influents dont les œuvres ont marqué le style musical de l’époque. Les chercheurs ont également examiné comment évoluaient les œuvres d’un même compositeur afin d’évaluer sa capacité d’innovation et d’évolution musicale. De leurs calculs est donc ressorti que Serguei Rachmaninov a été le compositeur le plus innovant par rapport aux 18 autres « concurrents ».
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Selon les conclusions de l’étude, son travail pendant l’ère romantique était totalement novateur en comparaison avec celui de ses prédécesseurs et chacune de ses œuvres comportait un degré supérieur d’innovation au regard de la précédente. Les chercheurs ont constaté que les compositions de la période Classique (1750 à 1820) avaient tendance à avoir les scores d’innovation les plus faibles. Certes, au cours de cette période, Haydn et Mozart ont eu une grande influence mais ont été plus tard dépassés, sur ce plan, par Beethoven pendant la période de transition Classique-Romantime. Ludwig van Beethoven qui ressort comme le compositeur le plus influent pour la période suivante (Romantisme) mais qui est considéré comme « peu original » car il n’aurait pas beaucoup innové au fil de ses compositions.
Une étude controversée
Cette étude scientifique, si sérieuse soit-elle, n’a pas manqué de faire réagir dans les milieux autorisés. Pour David Trippett, spécialiste de la musique du XIXe siècle à l’Université de Cambridge « On ne peut pas quantifier et comparer la qualité musicale de cette manière. L’originalité et la créativité ne se calculent pas. Peut-être qu’un jour nous pourrons mettre tous les paramètres musicaux dans un pot magique et utiliser le pouvoir de l’intelligence artificielle pour les comparer, mais nous en sommes encore loin ». Les chercheurs Sud-Coréens ont néanmoins précisé que les résultats auraient certainement été différents si des œuvres autres que de simples compositions pour piano avaient été prises en compte.
Philippe Gault