Retraites : Entre violences et débordements, la nouvelle tournure du mouvement

LIONEL URMAN/SIPA

Beaucoup de monde dans les rues, mais aussi beaucoup de violence. Le mouvement contre les retraites est-il en train de basculer ?

 

En 2003 et en 2010, les contestations avaient pris fin lors de l’adoption des textes

Il y a une bascule inquiétante dans la rue parce que personne ne la maîtrise. Il se passe en ce moment deux choses. La première est une contestation qui ne retombe pas alors que la réforme a été formellement adoptée. En 2003 et en 2010, on avait eu des cortèges au moins aussi garnis que ceux de cette année. Mais quasiment à la seconde où la loi avait été votée, les cortèges avaient fondu ; chacun avait pris acte que c’était fait. Là, après la fin du parcours parlementaire, on a au contraire une amplification du mouvement dans laquelle les opposants à la retraite à 64 ans, puisent une détermination renouvelée à obtenir le retrait du projet. La deuxième nouveauté est la bascule dans la violence. Ce qui avait frappé lors des huit journées précédentes, c’était la parfaite maîtrise du mouvement par les organisations syndicales ; ce qui avait été porté à leur actif.

A lire aussi

 

Hélas, ça y est : la bascule se produit. Et ce ne sont pas uniquement quelques poubelles brûlées. De la marie de Bordeaux en feu aux forces de l’ordre attaquées, on assiste à l’entrée en jeu des Black blocs, mais aussi à une violence militante dopée par un discours radical et parfois incitatif à l’insurrection de certaines forces de gauche. En dénonçant les « factions » et les « factieux », Emmanuel Macron anticipait-il ces débordements ? Ce mercredi 22 mars, les beaux esprits se sont indignés que le chef de l’Etat évoque les attaques au Capitole ou les émeutes au Brésil. Chacun voit maintenant ce qu’il désignait.

La visite du roi Charles III est périlleuse dans ce contexte

Et face au dévoiement de la contestation contre la réforme des retraites, la posture de l’exécutif va changer aussi. Ce n’est plus uniquement un gouvernement qui défend un projet, c’est l’Etat qui se pose en garant de l’ordre républicain. Pour reprendre une célèbre expression qui renvoie à notre histoire politique au XIXème siècle, Emmanuel Macron pourrait incarner le Parti de l’Ordre, c’est-à-dire de ces Français majoritaires, qui refusent la « chienlit », comme aurait dit de Gaulle, et qui s’inquiètent des risques de la violence et de l’embrasement. Après tout, cela lui avait réussi lors des Gilets jaunes. Le chef de l’Etat avait fédéré autour de lui ceux qui ne voulaient pas du chaos, y compris ceux qui n’étaient pas forcément des soutiens de son action. Cela pourrait-il être le cas cette fois ? C’est possible.

A lire aussi

 

C’est possible, mais pas certain car quand on lit les sondages, une large majorité de l’opinion lui attribue, à lui, la responsabilité du désordre. Ce climat peut-il gâcher la visite du roi d’Angleterre ? Cette visite du roi Charles III, sa première à l’étranger, est extrêmement périlleuse pour deux raisons : les images de faste qui seront critiquées dans ce contexte et surtout, il y a des risques d’actions violentes visant à saboter cette visite. L’annuler serait humiliant, mais il faut se préparer à de la fébrilité, à des polémiques. Le choc des événements est terrible.

Guillaume Tabard

Retrouvez tous les articles liés à la politique