Réforme des retraites : La motion de censure, un bel exemple de posture tactique

Jacques Witt/SIPA

Après le suspense sur le 49.3, voici le suspense sur la motion de censure. La question est simple : peut-elle être votée ?

 

Pour que la motion de censure soit votée, il faudrait une trentaine de voix des députés LR

Comme pour le vote sur la réforme la semaine dernière, chacun compte et recompte. A ceci près que, sur les retraites, on savait que cela se jouerait à une toute petite poignée de voix près. D’où le choix final du 49.3 pour ne pas risquer l’échec. Dans le cas de la motion de censure, la barre est plus haute. Pour qu’elle soit adoptée, il ne faut pas juste plus de voix pour que de voix contre, il faut une majorité absolue du nombre total de députés, soit 287. Or, aux derniers pointages, on serait au maximum autour de 270. Pour que la motion de censure soit votée, il faudrait la voix d’une trentaine de députés LR. On serait actuellement entre 10 et 15…

 

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Peut-on quand même dire que ce sont les députés LR qui tiennent la clé du vote ? Oui et c’est pour cela que toutes les autres forces d’opposition cherchent à les amadouer. Jamais on n’avait entendu les mélenchonistes, les écologistes, les lepénistes dirent autant de bien d’eux, exaltant tantôt leur gaullisme originel, tantôt leur rôle d’opposant. Le patron du RN, Jordan Bardella a été jusqu’à promettre aux députés LR qui voteraient la censure, de ne pas mettre de candidat contre eux dans l’hypothèse d’une dissolution. Mais c’est aussi un piège. Si l’on a bien compris qu’ils étaient divisés sur la réforme des retraites, le 49.3 avait eu un gros avantage pour eux. Cette absence de vote a fait qu’ils n’ont pas eu à se compter. Avec la censure, c’est l’inverse. Ils vont devoir se dévoiler. Et l’on verra qui vote la censure et qui ne la vote pas, provoquant un clivage, un divorce même, sur le scrutin le plus emblématique qui soit.

La motion de censure est portée par le groupe LIOT

On sent déjà monter les anathèmes réciproques. Ceux qui sont prêts à voter la censure traitent les partisans de la retraite à 64 ans de « valets » de Macron ; autant dire de « collabos ». Ceux qui défendent la nécessité de la cohérence de la droite sur les retraites accusent certains des leurs de collusion avec LFI et avec le RN. Ce parti ne cesse d’enchaîner les occasions de se déchirer. En quoi le fait que la motion de censure soit portée par le groupe LIOT et le député Charles de Courson change-t-il quelque chose au scénario ?

 

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On a là un bel exemple de posture tactique, si ce n’est d’hypocrisie. La gauche dit : on ne va pas se salir en votant une motion de censure rédigée par le Rassemblement national. Et les LR, qui veulent censurer le gouvernement, disent quant à eux :  on ne va pas se déshonorer en votant un texte écrit par LFI ou par le RN. Tandis que le groupe LIOT est un véhicule commode pour tout le monde. Mais une fois que l’on a dit ça, ça ne pose plus aucun problème aux mélenchonistes, aux lepénistes et à certains centristes ou gaullistes de voter ensemble. Les grands principes moraux tombent. Les mêmes qui invoquaient haut et fort un « front républicain » contre le RN basculent maintenant dans un front commun avec le RN contre Macron.

Guillaume Tabard

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