Jordan Bardella commencerait déjà à prendre son autonomie par rapport à Marine Le Pen. Est-ce le début d’une rivalité ?
Le dialogue entre les mouvements de jeunes du LR, de Reconquête et du RN relance la question de l’union des droites
Si la rupture n’est pour le moment pas envisagée, il y a eu deux signes importants et intéressants la semaine dernière au RN. Le premier, c’est l’interview accordée par Jordan Bardella à L’Opinion sur l’Ukraine, pointant une « naïveté collective » sur la Russie de Poutine. C’est une netteté que n’avait pas eu le RN jusqu’ici et la « naïveté collective » inclut aussi celle de Marine Le Pen. D’ailleurs, le nouveau président du parti aurait opéré ce tournant sans en informer préalablement celle qui reste quand même sa candidate naturelle. Le deuxième signe, c’est le dialogue entre les patrons des mouvements de jeunes du LR, de Reconquête et du RN qui relance la question de l’union des droites. Or l’union des droites, Marine Le Pen l’a en horreur : elle ne veut pas en entendre parler. Bardella a laissé faire cet entretien croisé, car lui ne veut s’interdire aucune piste tactique. Ce ne sont que deux exemples isolés. Mais ils ne sont passés inaperçus ni en dehors du RN, ni à l’intérieur du RN. Est-ce l’amorce d’une rupture ou un partage des rôles ?
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Une guerre Le Pen-Bardella serait une aubaine pour les macronistes
Je ne crois pas à la rupture. Que Jordan Bardella ait de l’ambition, c’est une évidence et c’est naturel. Mais il a de l’ambition et de l’intelligence. Il a 27 ans et jamais un chef d’un parti majeur n’a été si jeune. 27 ans, c’est pile la moitié de l’âge de Marine Le Pen. S’il y en a un qui a intérêt à sa victoire, c’est lui. Et s’il y en a un qui a le temps d’attendre, largement même, c’est lui aussi. On voit mal pourquoi il gâcherait par impatience la promotion dont il a bénéficié. La rivalité avec la finaliste de 2017 et 2022, je n’y crois pas une seconde, mais sa volonté de s’affirmer, de prouver son autorité oui. Et cette autorité, elle passe par l’affichage d’une certaine autonomie. Il le fait sciemment. Après, les adversaires du RN ont besoin de mettre des coins, c’est le jeu politique. Il y a quelque chose de frappant ces dernières semaines quand on discute avec les uns ou les autres. Ceux qui disent le plus de bien de Jordan Bardella, ceux qui, en privé, se montrent les plus admiratifs de son talent, de sa maîtrise des sujets, de son équation personnelle, ce sont les macronistes. Tous voient en lui un concurrent coriace, un adversaire dangereux. Ils ajoutent : Marine Le Pen devrait se méfier. Mais ce que redoutent vraiment les macronistes, c’est une victoire de la députée du Pas-de-Calais après les deux mandats d’Emmanuel Macron. Il n’y a plus de plafond de verre et la diabolisation ne marche plus. Alors que reste-t-il pour conjurer le scénario-catastrophe à leurs yeux ? La discorde chez l’ennemi. C’est un classique. Une guerre Le Pen-Bardella serait une aubaine pour les macronistes. Les lepénistes peuvent se dire que faire l’objet de ce jeu est la rançon du succès. Donc cette rumeur les agace, mais elle les valorise en même temps.
Guillaume Tabard