Jordan Bardella a été largement élu président du RN ce samedi 5 novembre. Malgré la polémique autour du député Grégoire de Fournas et la dissidence de Steeve Briois, les dégâts politiques pour le RN semblent pour l’instant limités.
La polémique « qu’il(s) retourne(nt) en Afrique » est venue polluer l’élection de Bardella
L’élection de Jordan Bardella [avec 85% des suffrages] vient couronner l’ascension express de celui qui, à 27 ans, devient le plus jeune patron qu’un grand parti ait jamais eu. Ce congrès, dans la foulée des succès électoraux du printemps, devait être une sorte de consécration pour le RN, qui ne s’est jamais aussi bien porté et qui avait réussi à se débarrasser de son image de parti sulfureux et extrémiste. Cette phrase, « qu’il(s) retourne(nt) en Afrique », est venue polluer sinon gâcher le congrès du RN. Mais à y regarder de près, les dégâts politiques pourraient être moins forts que les adversaires du RN le souhaitent.
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Je ne crois pas que le travail de dédiabolisation du RN puisse s’effondrer d’un seul coup. D’abord, il y a une querelle d’interprétation sur la phrase. Si elle visait le député LFI Carlos Martens Bilongo, elle relèverait du racisme le plus odieux. Si elle concernait le bateau de migrants, ce que le député affirme, ce serait une prise de position politique. Il y a aussi une part de calcul très apparent dans l’indignation jouée à l’extrême gauche ou dans la majorité. Cet épisode est une bonne occasion pour la Nupes de détourner l’attention de ses turbulences internes et conjurer le procès en collusion des extrêmes, sur fond de motions de censure votées conjointement. Cela arrange aussi la majorité de rejouer le combat moral contre le parti lepéniste. Pour le dire autrement, rediaboliser le RN arrange tout le monde. Et il n’est pas dit que le parti lepéniste n’y trouve pas aussi son compte.
Les dissidences internes au parti n’ont finalement jamais nui électoralement au RN
Bien sûr, le RN se serait passé de cette affaire et quand les dirigeants du parti défendent leur député sur le fond tout en se démarquant sur la forme, c’est une manière de confesser leur embarras. Mais de telles polémiques ont toujours réussi au RN : cela leur permet de dire que les autres partis préfèrent dénoncer le RN que répondre aux vraies inquiétudes des Français, par exemple l’immigration. Pour revenir à Jordan Bardella, il doit aussi gérer le coup de gueule de Steeve Briois. En pointant un risque de « re-radicalisation » du RN avec la victoire du protégé de Marine Le Pen, le maire d’Hénin-Beaumont valide les arguments des adversaires du RN. Les critiques internes font toujours désordre, d’autant que Steeve Briois est la vitrine d’une gestion municipale réussie par le RN. Mais de la scission de Bruno Mégret [en 1998] aux défections zemmouristes, ces dissidences n’ont finalement jamais nui, sur le plan électoral, au RN. Dans une perspective de temps long, l’événement de ce week-end pour le Rassemblement National reste l’entrée en première division d’un Jordan Bardella, qui prouve que l’assurance et le savoir-faire n’attendent pas le nombre des années.
Guillaume Tabard