Comment Marine Le Pen et le RN ont piégé la gauche en soutenant sa motion de censure

Jacques Witt/SIPA

Hier, Marine Le Pen et le RN ont joué un coup politique à l’Assemblée nationale en soutenant la motion de censure de la NUPES. Même si celle-ci a échoué, la gauche peut être embarrassée de ce soutien et les LR sont suspects de soutenir la majorité.

La Nupes ne s’est pas indignée que le RN vote sa motion de censure

Trois motions de censure en une journée : c’est inédit. Elles ont été toutes trois rejetées mais le véritable événement est la décision de Marine Le Pen de voter le texte déposé par la gauche. Il faut d’abord préciser que c’est un revirement de la part de Marine Le Pen. Jusqu’à ce week-end elle expliquait qu’elle ne mêlerait ses voix à celle de la gauche que dans une seule hypothèse : s’il fallait rejeter une disposition très précise, comme la réforme des retraites. Mais sur un texte général comme le budget, elle affirmait que deux oppositions ne partageaient pas un projet commun. C’est un changement de pied pour la présidente du RN, qui a senti qu’il y avait un coup politique à jouer. Et comme au bowling, c’est un coup qui peut déstabiliser plusieurs quilles à la fois : la gauche et LR.

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LFI essaie de prétendre que ce renfort vaut reconnaissance par le RN de son leadership sur l’opposition. Mais c’est au prix d’une sacrée déchirure musculaire. Tout d’abord, la Nupes a refusé de voter la motion de censure du RN, au motif qu’il était impensable de mêler ses voix à celles de l’extrême-droite. Quand c’est dans l’autre sens, ça ne pose plus aucun problème. Ça s’appelle tout simplement de l’hypocrisie. Rappelons qu’hier toute la gauche s’est indignée qu’Emmanuel Macron serre la main de Giorgia Meloni, comme s’il adoubait l’extrême-droite alors que le président français ne faisait que rencontrer son homologue. Quelques heures plus tard, une alliance de fait avec le RN pour renverser le gouvernement ne les gênait pas. Marine Le Pen aura donc beau jeu de souligner le paradoxe de cette opposition sans construction cohérente.

Les LR se retrouvent accusés d’être la bouée de sauvetage du gouvernement

Quant aux Républicains, ils se retrouvent piégés par ces votes conjoints. LR est un groupe d’opposition, mais ce qui a empêché hier la chute du gouvernement Borne, c’est que LR ne joigne pas ses voix à LFI et au RN. C’est compréhensible et même responsable. Mais sur un plan tactique, l’objectif de Marine Le Pen est de réduire LR à un rôle de bouée de sauvetage de Macron. Finalement, le seul pas gêné par ces votes reste le gouvernement. Ça lui permet de braquer les projecteurs sur la collusion des extrêmes et sur les alliances contre-nature – Elisabeth Borne ne s’en est pas privé hier. Ça lui permet aussi de dire que, même quand toute la gauche et tout le RN s’y met, la majorité n’est toujours pas atteinte. Il n’en reste pas moins qu’un tabou a sauté ; celui de la conjonction des oppositions. Ca ne doit pas laisser indifférent pour la suite.

Guillaume Tabard

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