Après Emmanuel Macron samedi, Elisabeth Borne était hier au salon de l’agriculture. Tous les politiques vont y passer, bien que nous ne soyons pas dans une année électorale. Pourquoi un tel engouement ?
L’agriculture ne représente plus que 2% de la population active
C’est vrai qu’il y a un côté passage obligé. On peut s’en moquer. Mais on peut aussi s’en féliciter. On peut se moquer, car le côté opération de communication est évident. Déambuler dans les allées du salon de l’agriculture, « tâter le cul des vaches » selon l’expression consacrée, c’est dire : voyez, je suis quelqu’un d’authentique, proche du terrain, je ne suis pas un technocrate, voyez le Jacques Chirac qu’il y a en moi. On n’est pas toujours obligé de se faire avoir.
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Mais on peut aussi s’en féliciter, car il est rassurant de mesurer l’attachement persistant au monde agricole alors qu’il est hélas en voie de disparition. Les chiffres sont effarants. L’agriculture ne représente plus que 2% de la population active. La moitié des exploitants a plus de 55 ans et la plupart n’ont aucune perspective de reprise après eux. Et au sein de ce monde en régression, la filière de l’élevage est la plus sinistrée. Voilà une France qui se lève tôt, qui ne compte pas ses heures, qui rêverait de pouvoir prendre sa retraite même à 65 ans et dont les revenus sont en chute libre. Alors, même s’il y a des arrière-pensées d’image, que les politiques se pressent au salon de l’agriculture est une bonne nouvelle.
L’enjeu est aussi culturel
Il y a un respect pour des gens qui travaillent dur et pour qui la « sobriété » n’est pas un art de vivre choisi par des bobos, mais une obligation. Il y a aussi la compréhension par beaucoup de Français que les paysans ne représentent pas qu’un secteur d’activité parmi d’autres, mais qu’ils sont à la fois les témoins et les gardiens d’une histoire, d’une identité, d’un patrimoine auxquels chacun, même les plus urbains d’entre nous, restent attachés. Sans paysans, plus de paysages, plus de territoires vivants, plus d’alimentation nationale. Même les plus parisiens ont des racines ou des attaches à la campagne. L’enjeu est donc aussi culturel.
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L’altercation entre le chef de l’Etat et le militant de Dernière rénovation a illustré le conflit possible entre l’agriculture et l’écologie. Et que cette dernière, aussi, était une priorité. Le conflit n’est pas entre l’agriculture et l’écologie. Qu’il ait fallu corriger un modèle de production ou de culture trop intensif est une évidence. Mais les agriculteurs eux-mêmes ont été les acteurs d’une conversion qui se poursuit. Alors oui, il y a des sujets délicats sur l’utilisation de l’eau, c’est la question de « bassines ». Mais ce qui est dangereux, c’est un certain militantisme écolo qui pointe du doigt les agriculteurs mais qui ne supporterait pas un dixième de leurs conditions de vie. La préservation de la biodiversité, une alimentation de proximité et de qualité, un respect de la nature, c’est avec les agriculteurs. Pas sans eux, et encore moins contre eux.
Guillaume Tabard