A chaque jour sa surprise dans le débat sur les retraites : Marine Le Pen a annoncé, hier, le dépôt d’une motion de censure. Pourquoi cette initiative alors que la discussion du projet de loi n’est pas encore achevée ?
LFI a retiré un millier d’amendements sur le texte de la réforme des retraites
Marine Le Pen veut tenter de prendre le leadership de l’opposition à la réforme des retraites. Quel est son pari ? LFI a beau avoir retiré un millier d’amendements, il en reste des milliers d’autres et il est désormais très peu probable que l’examen complet du texte puisse être achevé d’ici à demain soir et qu’en conséquence, il parte au Sénat sans avoir été voté à l’Assemblée. Alors bien sûr, on entendra la gauche hurler au déni de démocratie, et le gouvernement dira que c’est la faute de l’obstruction de la gauche. Donc Marine Le Pen prend les devants en disant aux opposants : vous voulez vous exprimer quand même sur la réforme des retraites ; et bien je vous en donne l’occasion. Votez ma motion de censure.
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A-t-elle une chance d’être entendue, et sa motion de censure d’être votée ? Non, aucune chance évidemment et elle le sait. D’ailleurs, dès hier soir, les élus de gauche disaient : pas question de voter une motion de censure du Rassemblement national. Mais c’est justement le deuxième étage de sa stratégie. Elle sait qu’on va lui dire non, comme déjà la gauche avait refusé en ouverture de débat, de voter sa motion référendaire. Mais c’est à l’opinion qu’elle s’adresse.
Marine Le Pen dénonce la stratégie d’obstruction de la Nupes
C’est l’opinion que Marine Le Pen prend à témoin en disant, regardez : la Nupes dit vouloir combattre le gouvernement et empêcher la réforme des retraites, mais elle refuse la motion de censure uniquement parce qu’elle vient de nous. Autrement dit, leurs oukases politiques l’emportent sur le combat de fond. Ou encore : ils préfèrent nous combattre que de vous défendre. Marine Le Pen veut dire aux Français opposés à la réforme que la Nupes ne sait que mettre le bazar dans l’hémicycle, tandis que son parti utilise les outils institutionnels.
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On est toujours dans la stratégie de « respectabilisation ». Et de ce point de vue, Marine Le Pen peut dire un immense merci à LFI. La présidente du RN s’est offert le luxe de s’indigner de l’image de la tête d’Olivier Dussopt sur un ballon. Elle a rendu un hommage personnel au ministre du Travail quand il a été traité d’assassin. Elle dénonce, comme le font les syndicats, la stratégie d’obstruction de la Nupes. On est dans le prolongement de ce qui se passe depuis l’élection de cette nouvelle Assemblée. Cela reviendrait à dire : le bruit, la fureur, et maintenant les horreurs, ce sont eux, les mélenchonistes. Le sérieux, la respectabilité, c’est nous le RN. L’idée est toujours de faire tomber cette pancarte de parti non-républicain qui ne signifie strictement plus rien pour les électeurs, mais qui reste un argument des états-majors. Cela dit, il n’est pas exclu que cette motion de censure soit perçue, elle aussi, comme une simple initiative politicienne de plus.
Guillaume Tabard