Réforme des retraites : Les Républicains en demandent-ils trop à Elisabeth Borne ?

Jacques Witt/SIPA

Elisabeth Borne a annoncé hier à LR de nouvelles concessions sur les carrières longues. Pourquoi cette décision maintenant ?

 

Aurélien Pradié a compris que sa position d’électron libre lui rapporte de la notoriété

Ce n’est pas LR dans sa globalité qui est concerné par ces concessions. Dès son élection à la tête du parti, Eric Ciotti avait dit qu’il était prêt à soutenir la retraite à 64 ans, moyennant certaines conditions. Il voulait des ajustements sur les carrières longues précisément, et Elisabeth Borne avait déjà consenti à une évolution pour ceux qui avaient commencé à 21 ans. Une concession à un milliard d’euros quand même. Mais pour Aurélien Pradié et une dizaine de députés de droite, le compte n’y était pas. Ils veulent plus et menacent de ne pas voter la réforme. Or, ça va se jouer à quelques voix près à l’Assemblée. Et c’est pour ça que la première ministre a été plus loin sur les carrières longues, quitte à sacrifier quelques milliards de plus sur l’impact budgétaire espéré du report de l’âge légal.

 

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Il n’est même pas sûr que cela garantisse le vote de la droite sur la réforme. L’enjeu, ce ne sont pas uniquement des positions de fond sur les retraites, c’est aussi de la posture politique. On le voit bien depuis deux mois. Aurélie Pradié, battu par Eric Ciotti et Bruno Retailleau lors de l’élection à la présidence de LR, a compris que jouer les électrons libres, que défendre des positions décalées par rapport à celles de son parti, ça rapporte de la notoriété, ça offre de l’espace médiatique et ça donne de l’importance. C’est le principe de la dissuasion du faible au fort. Celui qui est petit sait que le gros doit faire avec lui. Et il en profite.

 

Au regard de l’ADN de la droite, on aurait attendu des LR qu’ils réclament la retraite à 65 ans

Un deal entre le gouvernement et LR peut être gagnant pour les deux parties à court terme, peut-être. Elisabeth Borne trouve le moyen d’avoir une majorité sur son texte, ce qui est préférable à le faire passer avec un 49.3. De son côté, Eric Ciotti peut dire : Les Républicains comptent, car sans eux pas de majorité. Mais à quel prix pour la droite ? Elle n’a cessé d’accuser Macron de ne pas oser faire de réformes difficiles et de ne pas se soucier assez de l’équilibre des finances publiques. Au regard de l’ADN de la droite, on aurait donc attendu des LR qu’ils réclament la retraite à 65 ans, et pas à 64, la fin plus rapide des régimes spéciaux, ou encore un étage de capitalisation. Au lieu de ça, ils s’échinent à raboter la réforme. Comprenne qui voudra.

 

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Quant à la première ministre, elle en est réduite à alourdir chaque jour le coût de sa réforme. Si une partie trop importante de ce qu’elle va rapporter repart déjà, on peut se demander ce qu’il restera à l’arrivée de la réforme. Avouez qu’il serait assez paradoxal qu’Elisabeth Borne résiste aux gros bataillons de la contestation, à la mobilisation de la rue, à l’obstruction de la gauche et qu’elle cède à des minoritaires d’une ancienne armée décimée. Qu’Aurélien Pradié et une dizaine de députés en obtiennent plus que deux millions de manifestants, c’est curieux. Après tout c’est une des conséquences fâcheuses de l’absence de majorité absolue à l’Assemblée.

Guillaume Tabard

 

 

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