Réforme des retraites : Emmanuel Macron et Elisabeth Borne ont-ils commis une erreur en dégainant le 49.3 ?

Jacques Witt / Sipa Press/SIPA

L’Assemblée nationale est en ébullition. Entre les motions de censure, les manifestations et les débordements dans les rues, le recours au 49.3 était-il une bonne idée pour faire passer le texte sur la réforme des retraites ? 

 

Le 49.3 est un aveu d’impuissance, mais le texte devrait être adopté

Est-il nécessaire de réformer les retraites pour en garantir le financement ? Si la réponse est oui, alors, hier, il n’y avait plus d’autre solution que de passer par le 49.3. On l’a répété jour après jour : l’exécutif a cherché jusqu’au bout une majorité pour voter son texte. Et il aurait pu l’avoir, il aurait dû l’avoir, si le groupe LR avait été un peu plus uni et cohérent dans sa position. Mais aux derniers pointages, le compte n’y était pas. Alors que faire ? Sortir le 49.3, c’est un aveu d’impuissance. Mais au moins, sauf si une motion de censure est votée, ce qui reste peu probable, le texte est adopté et la retraite passera bien à 64 ans. Si le texte avait été au vote, on le sait maintenant, il aurait été perdu. Cela aurait été davantage un échec pour Emmanuel Macron et Elisabeth Borne. Mais surtout, il n’y aurait plus eu de réforme, le président ne pouvait plus toucher aux retraites jusqu’à la fin du quinquennat. Comme en 1995, il aurait fallu attendre très longtemps avant que quiconque ose remettre l’ouvrage sur le métier.

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Certains députés LR s’apprêtent à voter une motion de censure avec LFI et le RN

Emmanuel Macron et Elisabeth Borne sortent affaiblis de cette séquence. Quand on se fait fort de trouver une majorité et que l’on n’y arrive pas, l’échec est d’abord personnel. L’exécutif a accumulé les maladresses en voulant présenter la réforme des retraites comme un texte de progrès et de justice alors qu’il était plus franc d’en assumer tout simplement la nécessité, qu’en se prenant les pieds dans des histoires de retraite minimale ou de pénalisation des femmes. Mais c’est aussi en faisant trop de concessions à LR et en les faisant beaucoup trop tôt, sans avoir la garantie que ces concessions assurent les voix nécessaires, que les maladresses ont subsisté. En ayant la naïveté de croire que le vote allait passer plutôt que de préparer les esprits à ce fameux 49.3, cela n’a rien arrangé. Alors encore une fois, pour la réforme des retraites, la fureur sur la méthode employée vaut mieux qu’un échec. Mais le président et sa Première ministre ne vont pas facilement tourner la page. Il leur sera difficile de passer rapidement à d’autres réformes. Alors, quelles leçon tirer de cette journée pour LR ? Ce parti de la droite n’a plus ni identité, ni unité, ni boussole. Ce sont eux qui conduisent à ce psychodrame en n’étant pas assez nombreux à voter la réforme. Et c’est quand même un grand mystère : comment est-on passé au fait d’avoir des députés LR qui réclamaient la retraite à 65 ans, aux mêmes députés LR qui s’apprêtent pour certains, à voter une motion de censure avec LFI et le RN. Car on en est là. Au moment même où Eric Ciotti prévenait : jamais nous ne voterons de motion de censure, des députés, eux, annonçaient les uns après les autres qu’ils le feraient. On voit mal comment une droite partisane déjà laminée va maintenant échapper à d’autres fractures internes.

Guillaume Tabard

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