Emmanuel Macron a profité de l’hommage à Gisèle Halimi pour annoncer son intention d’inscrire l’avortement dans la Constitution. Est-ce une surprise ?
Emmanuel Macron avait déjà proposé d’inscrire l’avortement dans la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne
L’idée d’inscrire l’avortement dans la Constitution était réclamée depuis longtemps par les Insoumis. Elle a été demandée au sein de la majorité, au lendemain d’une décision de la Cour de justice américaine l’été dernier. Comme si – parce que le cadre bougeait outre-Atlantique – l’accès à l’IVG était menacé en France alors que depuis la loi Veil, qui faisait de l’avortement une exception, cet accès n’a cessé d’être élargi, facilité et protégé et qu’aucun courant politique ne réclame de retour dans l’autre sens. Mais, sans surprise, l’Assemblée a adopté en novembre une proposition de loi LFI visant à inscrire dans la Constitution un « droit à l’avortement ». En février, le Sénat a également voté pour, mais en corrigeant le texte, ne parlant plus d’un « droit » mais de la « liberté » d’avorter. Pour le coup ce fut une surprise car la majorité sénatoriale de droite y était hostile et c’est un sénateur LR, Philippe Bas qui a proposé cette réécriture certes plus restrictive mais qui a permis à la procédure de se poursuivre alors que sinon, elle s’arrêtait net. Ce qu’a fait Emmanuel Macron hier, c’est de prendre acte de ce vote dans les deux assemblées et de le reprendre au nom de l’exécutif. La différence est qu’avec un texte parlementaire, la seule voie de ratification est le référendum. Alors qu’avec un texte porté par le gouvernement, la ratification peut se faire au Congrès. Et si on n’était pas sûr que le chef de l’Etat irait jusque-là, on est sûr en revanche que cela va passer au Congrès, d’autant que Macron a choisi la formulation du Sénat, plus consensuelle que celle de l’Assemblée.
A lire aussi
Après la réforme des retraites, Emmanuel Macron veut lancer un grand chantier institutionnel
Pourquoi cette décision ? Est-ce par conviction ou par calcul ? Macron en est convaincu. Il avait d’ailleurs déjà proposé d’inscrire l’avortement dans la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Mais comment ne pas voir le bénéfice politique qu’il espère en retirer ? On le voit avec la réforme des retraites. Le terrain social déclenche de la contestation. En allant sur le terrain sociétal, le chef de l’Etat s’offre une popularité facile. Que ce soit sur les débuts de la vie, avec l’avortement ou la fin de la vie avec l’euthanasie, la revendication d’un droit est approuvée ou revendiquée à une écrasante majorité. Pourquoi s’en priver ? En passant par le Congrès, il oblige la gauche à le soutenir, il sème un peu de division à LR et au RN et offre à une majorité plus à gauche que son gouvernement, un beau trophée progressiste. Là encore, pourquoi s’en priver ? On sait qu’après les retraites, Emmanuel Macron veut lancer un grand chantier institutionnel, avec toute sorte de sujets. Sur la durée des mandats, l’organisation territoriale, etc… Alors il va tenter de faire un paquet cadeau. Mais tout n’est pas consensuel et il ne gardera que ce qu’il sûr de voir voté au Congrès. Donc à l’arrivée, il ne restera peut-être que l’avortement. Macron pourra ainsi au moins se vanter d’avoir posé sa griffe sur l’édifice constitutionnel. A peu de frais.
Guillaume Tabard