C’était un record de manifestants dans les rues ce 7 mars avec 1,28 million selon le comptage du ministère de l’Intérieur et 3,5 millions selon la CGT, soit davantage que le record du 31 janvier. Les syndicats sont-ils en train de gagner leur bras de fer avec le gouvernement ?
Les chiffres sont comparables avec la journée de mobilisation du 31 janvier
Les chiffres, surtout évidemment ceux annoncés par la CGT, pourraient laisser penser que c’était un record de manifestants dans les rues hier. La progression est réelle par rapport à la dernière journée. Mais par rapport à celle du 31 janvier, on est à peine au-dessus. Il n’y a pas eu de saut spectaculaire qui laisserait penser que – comme l’a prétendu Jean-Luc Mélenchon – on a désormais un « homme seul » face à « tout un peuple ».
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Je vous rappelle que le mot d’ordre de la journée d’hier était « la France à l’arrêt ». Or si l’on regarde les taux de grévistes dans les différents secteurs, RATP, SNCF, EDF, l’Education nationale, on a juste retrouvé les chiffres du 19 janvier. Et pour aujourd’hui et demain, on est déjà dans le tassement, même si de nouveaux secteurs sont concernés comme les raffineries. Alors oui, la France a été hier, au ralenti mais pas à l’arrêt. Elle a été entravée, elle n’a pas été bloquée. Pour les syndicats, la journée d’hier a été un succès incontestable, mais ce n’était pas la bascule décisive qu’ils espéraient.
Le Sénat veut voter l’ensemble de la réforme des retraites ce week-end
Des grèves sont reconduites, de nouvelles manifestations sont prévues samedi. Alors, cette bascule ne reste-t-elle pas encore possible ? Il faudra bien sûr surveiller l’évolution des jours à venir, mais pour remporter ce bras de fer, le temps est compté. Le Sénat a a prévu de voter l’ensemble du texte ce week-end. La Commission mixte paritaire se réunira mercredi prochain, le 15 mars puis, ce sera le vote final à l’Assemblée. Il y aura encore un suspense sur la nature du vote final : majorité favorable ou recours au 49.3 ? Mais d’ici à dix jours, le parcours parlementaire sera achevé et la loi adoptée. Or, on l’a vu en 2003 et en 2010, une fois que la loi est votée, la contestation s’évanouit. Ce qui veut dire que d’ici à dix jours, le pas sera franchi. C’est très court, trop court sans doute pour que les opposants à la réforme des retraites gagnent leur combat.
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Cette course contre la montre ne peut-elle pas aviver la colère des opposants ? Il y a un risque. S’il n’y a pas d’amplification du mouvement, il peut y avoir une radicalisation. On a déjà vu hier des premières échauffourées, des débordements, le retour de black blocs. C’est encore marginal, mais on sent que l’on entre dans un moment délicat, un moment à risque avec possiblement des initiatives que les syndicats eux-mêmes ne pourraient ni empêcher ni contrôler. Le péril de la violence n’est pas à écarter. Mais il ne rendrait pas service aux syndicats.
Guillaume Tabard