Il y a deux semaines, Elisabeth Borne renvoyait à l’automne le texte sur l’immigration. Elle demande aujourd’hui à Gérald Darmanin de trouver une voie de passage d’ici au 14 juillet. Mais alors, pourquoi ce revirement de situation ?
En février, le gouvernement adopte en conseil des ministres un texte qui repose sur deux jambes : la fermeté avec l’accélération des procédures d’exclusion et l’intégration avec un titre de séjour pour les métiers dits en tension.
L’exécutif a besoin des voix de la droite, mais celle-ci ne veut pas entendre parler de régularisation par le travail. Donc, en mars, le gouvernement décide de reporter le texte.
Le 22 mars à la télévision, Emmanuel Macron a dit : on ne reporte rien, mais il y aura deux textes. Le 22 avril dans Le Parisien, le chef de l’Etat revient à l’idée d’un seul texte. Le 26 avril : Elisabeth Borne détaille sa feuille de route. Elle prend acte qu’il n’y a pas de majorité et renvoie le projet à l’automne. Et enfin, mardi soir, la Première ministre demande à Gérald Darmanin de reprendre les concertations afin de présenter un texte avant le 14 juillet.
Emmanuel Macron veut montrer à l’opinion qu’il ne renonce pas à agir sur l’immigration
Calendrier, méthode, et accessoirement contenu du projet, tout bouge en permanence. Ces allers-retours non-stop ne contribuent ni à la clarté ni à la crédibilité du gouvernement sur cette question si sensible et si décisive de l’immigration.
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Qu’est-ce qui explique ces revirements de l’exécutif ? Revenons au 26 avril, à la feuille de route d’Elisabeth Borne. La Première ministre, ne se contente pas de prendre acte de l’absence de majorité. Elle ajoute : « ce n’est pas le moment de lancer un débat sur un sujet qui pourrait diviser le pays ».
Cette phrase n’a pas plu à Emmanuel Macron. Parce que, au contraire, il veut à tout prix convaincre que les turbulences autour des retraites ne l’ont pas dissuadé de mener des réformes difficiles. Et Elisabeth Borne dit en quelque sorte : ça va encore secouer, alors on verra plus tard. C’est l’inverse de ce que le président souhaite.
Emmanuel Macron veut montrer à l’opinion qu’il ne renonce pas à agir sur l’immigration. Il dit donc à Borne : relancez le sujet. Et Borne quant à elle, dit à Darmanin : trouve une solution rapidement. Dans toute cette histoire, il ne faut pas négliger ce petit jeu de mistigri interne à l’exécutif.
Gérald Darmanin ne trouve pas d’accord avec LR
Jusqu’à présent, les discussions n’avaient pas abouti. Alors, cette fois, un accord serait-il possible ? Représentez-vous un casse-tête. C’est difficile d’en trouver la solution, il faut tenter des gestes différents. Si on refait toujours exactement les mêmes, on aboutit toujours au même échec. Et bien, c’est exactement cela sur l’immigration.
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Cela fait des mois que Darmanin discute avec LR des conditions d’accord. Il n’en trouve pas. Alors Borne dit : ah, je vais discuter avec LR pour voir si on peut trouver un accord. Elle n’en trouve pas. Et aujourd’hui, elle dit à nouveau : ah, il faut discuter avec LR pour voir si on peut trouver un accord.
Et cela, bien sûr sans perdre le soutien de la majorité, car si on perd certainement d’un côté ce qu’on gagne éventuellement de l’autre, l’issue est connue d’avance. Je sens que le gouvernement n’a pas fini de se prendre la tête avec ce projet immigration.
Guillaume Tabard