Elections territoriales : Le défi géostratégique de la Polynésie française

Michel Euler/AP/SIPA

Ce matin, petit retour sur la politique française. Mais à plus de 17.000 kilomètres de Paris, dans un territoire qui compte quelque 300.000 habitants – presque autant que Nice ou Toulouse – et qui couvre un territoire grand comme l’Europe toute entière : la Polynésie.

Depuis 1842, les élections territoriales ont été remportées par les indépendantistes conduits par Oscar Temaru en Polynésie. S’ils sont arrivés largement en tête, ils ne sont pas majoritaires en voix.

Mais avec le système électoral, ils sont pour la première fois majoritaires en sièges et pour cinq ans. Ce qui leur donne maintenant, les moyens d’exiger un référendum sur l’indépendance que Paris a toujours refusé d’envisager.

Aux législatives, les indépendantistes avaient déjà raflé les trois sièges de députés

C’est un échec pour Emmanuel Macron, pour deux raisons. La première est que le gouvernement soutenait clairement l’équipe sortante d’Edouard Fritch, qui a été sévèrement battue.

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Il faut rappeler qu’il y a moins d’un an, aux législatives, les indépendantistes avaient déjà raflé les trois sièges de députés, avec des candidats très jeunes. Le benjamin actuel de l’Assemblée, Tematai Le Gayic élu à 21 ans, est polynésien.

La deuxième raison est que ce résultat en Polynésie fait suite, deux ans après, à une autre victoire des indépendantistes en Nouvelle-Calédonie. Le processus est bien plus avancé à Nouméa, depuis les accords de Matignon il y a trente-cinq ans maintenant. Mais on a deux exemples d’archipels, où la France a fait le pari qu’une très forte autonomie de gestion – et c’est le cas aussi à Papeete – allait atténuer les revendications indépendantistes. Il n’en a rien été.

L’Etat français injecte 2 milliards d’euros par an dans l’archipel

Gérald Darmanin qui a cité ces exemples en mettant sur la table la question d’une « autonomie » pour la Corse va sans doute y réfléchir à deux fois. En Polynésie, la France peut-elle redouter une indépendance à court terme ? Non, d’autant que paradoxalement, les indépendantistes n’ont pas spécialement fait campagne sur l’indépendance. Sans doute sont-ils trop conscients de ce que la vie de l’archipel doit aux deux milliards d’euros injectés chaque année par l’Etat français.

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Le vrai défi est géostratégique. Avec la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie, la France est présente dans le Pacifique. Elle y joue un rôle important, notamment sur le plan militaire. La France partie, le Pacifique serait le théâtre d’un simple face-à-face entre la Chine et les Etats-Unis. Un face à face aux allures de guerre économique et diplomatique.

Et dans sa volonté d’expansion hégémonique, la Chine se passerait très volontiers de la présence de la France. Voilà pourquoi elle soutient clairement les mouvements indépendantistes. Et pour les Polynésiens, comme pour les Calédoniens, sous le rêve d’une indépendance arrachée à la France, il y a peut-être le cauchemar d’une autre dépendance. A l’égard de la Chine. Est-ce vraiment mieux pour eux ?

Guillaume Tabard

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