Après les retraites, il y a un autre casse-tête pour le gouvernement : l’immigration. Le texte a été présenté hier, le 1er février 2023, en Conseil des ministres. Sera-t-il, lui aussi, difficile à faire passer ?
Les Républicains ne voteront pas pour ce texte et entendent même voter contre
Ce texte sur l’immigration sera difficile à faire passer mais pas de la même manière que pour la réforme des retraites. Pour les retraites, il faudra potentiellement une majorité au Parlement – même si elle n’est pas totalement acquise – mais le gouvernement, et on le voit en ce moment, doit affronter une opinion très massivement hostile à un report de l’âge de départ. Sur l’immigration, l’opinion est massivement demandeuse de mesures visant à mieux la contrôler et à mieux expulser les étrangers en situations irrégulières, mais le gouvernement n’a pas de majorité. Du moins pas encore de majorité puisque Les Républicains (LR), à ce stade, non seulement ne voteront pas pour ce texte mais entendent voter contre.
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Gérald Darmanin tend pourtant la main à la droite sur ce sujet. Alors, pourquoi ne parvient-il pas à trouver un accord ? Tout simplement parce que ce texte n’est pas porté par le seul ministre de l’Intérieur mais à égalité avec le ministre du Travail Olivier Dussopt, puisqu’il comporte deux volets. Le volet régalien vise à accélérer l’examen des demandes de droit d’asile, à faciliter la mise des œuvres des fameuses OQTF (Obligation de quitter le territoire français) ou encore à rétablir la double-peine pour les délinquants étrangers. Et puis il y a un volet social qui vise à régulariser les travailleurs étrangers employés dans des secteurs dits « en tension », c’est-à-dire qui manquent de main d’œuvre. On est dans le fameux « en même temps » macronien, ce que le chef de l’Etat appelle une volonté d’équilibre. Et c’est cet équilibre d’affichage qui rend impossible pour l’instant tout accord politique. D’un côté la gauche ne veut pas entendre parler de ce texte qu’elle juge répressif, et la droite ne veut à aucun prix d’un nouveau titre de séjour dans lequel elle voit un nouvel appel d’air pour l’immigration.
Le texte arrivera au Sénat en mars et en mai à l’Assemblée
Mais ce projet de loi n’en est pas pour autant d’avance condamné. Car d’une part, même sans majorité, il reste l’arme du 49.3 que le gouvernement peut utiliser une fois pour un texte non budgétaire, ce qu’il n’a pas encore fait. Et Gérald Darmanin ne désespère pas de convaincre la droite en se montrant très ouvert à des amendements LR sur ce texte. S’ils veulent durcir le volet régalien, pourquoi pas ? S’ils veulent restreindre l’accès au titre de séjour, il ne s’y opposera pas. Mais est-ce que cela suffira ? Si LR ne veut à aucun prix d’un titre de séjour, même plus encadré et le tandem Macron-Borne ne veut en aucun cas abandonner ce volet travail, ce sera retour à la case départ. L’échec ou le 49.3. Le texte arrivera au Sénat en mars, à l’Assemblée en mai. Le ministre de l’Intérieur veut croire que la discussion avec la droite va avancer et peut aboutir. Soit il est trop fort en tactique politique, soit il prend son rêve pour la réalité. La partie de ping-pong ou de poker menteur, ne fait que commencer.
Guillaume Tabard