Dans les colonnes du journal Le Parisien, le ministre de l’Intérieur a déclaré que la Nupes ne cherchait qu’à « bordéliser » le pays. Que tente de faire Gérald Darmanin en prononçant cette phrase-choc ?
La journée de mobilisation du 31 janvier contre les retraites s’annonce forte
Gérald Darmanin cherche à amener le débat des retraites sur le terrain politique. Depuis quelques jours, députés et ministres sont empêtrés dans leurs explications pour savoir si les femmes sont pénalisées ou non, sur qui va perdre ou qui va gagner avec la réforme. Or, puisqu’il s’agit de faire globalement travailler plus longtemps, il sera toujours difficile de prétendre qu’il y a des gagnants. C’est pourquoi on a vu la majorité flotter, les alliés se dérober ou prendre leurs distances. Et donc, à la veille d’une nouvelle journée de manifestation qui s’annonce forte, le premier travail de l’exécutif consiste à mobiliser, à remobiliser les troupes. C’est ce qu’ont fait ce week-end deux ministres, et pas n’importe lesquels, les numéros deux et trois de l’équipe Borne : Bruno Le Maire et Gérald Darmanin.
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Mais mobiliser peut-il se réduire à attaquer la gauche ? Pas uniquement, mais ça compte. La mobilisation, elle prend deux formes : une forme constructive, autour de la valeur travail. Puisqu’il faut travailler plus, la majorité se doit de construire un discours positif sur l’effort, sur le mérite, sur l’émancipation et l’émancipation par le travail précisément. C’est ce qu’ont fait Le Maire dans Le JDD et Darmanin dans Le Parisien. Ils invitent à assumer la confrontation idéologique et presque civilisationnelle avec une gauche qui dit qu’il faut non seulement revenir à la retraite à 62 ans, mais même à 60 et pourquoi pas descendre plus bas puisque l’objectif est de dégager du temps libre, le travail n’étant que de l’aliénation ou de l’exploitation par ces méchants milliardaires qu’il faudrait bouter hors de France.
Gérald Darmanin veut montrer que la gauche ne défend pas les travailleurs
En accusant la Nupes de « bordéliser » le pays, Darmanin dit aux siens : ne nous contentez pas de vous laisser rentrer dans le chou, rentrez-leur aussi dans le chou. Il faut comprendre ce qu’il y a derrière cette attaque du ministre de l’Intérieur contre l’axe Mélenchon-Sandrine Rousseau qu’il qualifie de « gauchiste et bobo ». L’enjeu, ce sont les catégories populaires. Et là, c’est l’élu de Tourcoing qui parle. Et on voit ici que le fond et la tactique sont liés. Darmanin veut monter que la vision du travail portée par une partie des élus de la gauche n’est pas celle d’une grande partie de la gauche, longtemps qualifiée de camp des travailleurs. C’est à ces travailleurs que Darmanin veut dire : cette gauche-là ne vous défend pas, parce qu’elle ne s’intéresse pas à vous. Il n’est pas sûr que cela suffise à dégonfler les cortèges demain, mais il y avait nécessité pour la majorité de sortir d’une certaine torpeur.
Guillaume Tabard