Claude Debussy : Connaissez-vous l’histoire de ses chefs-d’oeuvre ?

Debussy est au cœur de la modernité de son temps. Ami de Satie et de Mallarmé, collaborateur des Ballets russes de Diaghilev, il étonne par ses harmonies audacieuses et la liberté de ses œuvres. Mais c’est aussi un père attendri, comme le montre le recueil pour piano Children’s corner.

Jeux et L’après-midi d’un faune sont programmés par Diaghilev pour ses Ballets russes

Serge Diaghilev commande à Debussy une œuvre pour sa compagnie des Ballets russes. Ce sera Jeux, créé en 1913 au Théâtre des Champs-Elysée. Le ballet, chorégraphié par Nijinsky, est vite éclipsé par l’événement artistique de l’année : Le Sacre du Printemps de Stravinsky, créé deux semaines plus tard et également commande de Diaghilev. Mais la partition sera rejouée en version de concert et est considérée aujourd’hui comme l’œuvre la plus complexe et la plus novatrice que Debussy ait écrite pour l’orchestre. Quant à Diaghilev, ce n’est pas la première fois qu’il s’intéresse à la musique de Debussy. En 1912, Nijinsky danse sur scène L’Après-midi d’un faune. L’origine de ce ballet est le poème du même nom de Mallarmé. Debussy, familier du poète dont il fréquentait le salon lors de ses célèbres “mardis”, s’en était inspiré en 1892-94 pour son poème symphonique Prélude à l’Après-midi d’un faune. Diaghilev lui demande l’autorisation de l’utiliser et confie la chorégraphie à son amant Nijinsky. Les poses suggestives du faune feront scandale, en particulier lorsqu’il s’allonge sur l’écharpe de la nymphe à la fin du ballet.

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Debussy écrit Children’s corner pour sa fille Emma-Claude, dite “Chouchou”

Debussy aime les femmes. Et n’hésite pas à les abandonner quand une autre passion se profile. Après avoir quitté Gabrielle Dupont pour épouser Lily Texier, Debussy la délaisse à son tour pour Emma Bardac. Le scandale sera énorme lorsque l’épouse bafouée tentera de se suicider… Finalement Debussy divorce, et épouse Emma. De cette nouvelle union naît en 1905 une fille qui reçoit le prénom de ses deux parents : Emma-Claude. Debussy a alors 43 ans. Il est très attaché à sa fille et compose pour elle un album de six pièces pour piano : Children’s corner (“le coin des enfants”). Il puise son inspiration dans les objets de la petite fille de trois ans : éléphant en peluche (“Jimbo’s Lullaby”), poupée (“Serenade for the doll”), livre d’images et son petit berger (“The little shepherd”). Les pièces n’en sont pas pour autant faciles d’exécution – on est loin de L’Album pour la jeunesse de Schumann avec son “Gai laboureur”. Pas de volonté pédagogique de l’apprentissage du clavier, mais une évocation attendrie du monde l’enfance. Malheureusement Chouchou ne profitera que quelques années de ce cadeau musical : elle meurt de la diphtérie seulement un an après son père, à l’âge de 14 ans.

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L’opéra Pelléas et Mélisande est révolutionnaire lors de sa création en 1902

En 1892, est créée à Paris la pièce symboliste de Matterlinck Pelléas et Mélisande. Dix ans plus tard, Debussy présente sur la scène de l’Opéra-Comique l’opéra qu’il en a tiré. On voit l’influence de Wagner dans le choix du sujet (un triangle amoureux entre deux jeunes gens et un mari jaloux plus âgé, comme dans Tristan et Isolde) et le principe de “mélodie continue” (où la musique semble s’enchaîner indéfiniment). Mais Wagner gardait des mélodies reconnaissables, ne serait-ce qu’avec ses leitmotivs. Pelléas et Mélisande, en revanche, est une sorte d’éternel récitatif qui transpose en sons les inflexions de la voix parlée en français. Révolutionnaire ! D’autres compositeurs auront été inspirés par le sujet de Pelléas et Mélisande : Fauré, Sibelius... ou encore Schönberg ! Mais Debussy est le seul à en avoir fait un opéra. Il travaillera par la suite à deux autres projets d’opéras, tirés cette fois de nouvelles d’Edgar Poe, La Chute de la maison Uscher et Le Diable dans le beffroi, mais sans les achever.

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En écoutant La Mer, Satie dira avec humour : “J’aime beaucoup le passage vers onze heures un quart”

Debussy reprend pour La Mer le principe du poème symphonique, développé par Liszt. L’œuvre s’inspire d’un élément extra-musical, ici l’univers marin. Mais, contrairement à Liszt, ce poème musical est en trois mouvements – comme les Evocations de Roussel quelques années plus tard. Satie, grand ami de Debussy rencontré dans le Montmartre qu’ils affectionnent tous les deux, donne une appréciation pleine d’humour de ces trois « Esquisses symphoniques », comme les appelle Debussy. Faisant référence au titre de la première, “De l’aube à midi sur la mer”, il écrit à Debussy : “J’aime beaucoup le passage vers onze heures un quart”. L’oeuvre est créée à Paris en 1905. La même année, la première édition choisit comme illustration la Grande vague d’Hokusai.

 

Sixtine de Gournay

 

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