FURTWÄNGLER Wilhelm

(1886-1954) Chef d'orchestre

Maria Callas a dit de Furtwängler : « il est Beethoven ». Il est vrai que, depuis son enfance, le chef d’orchestre fut un adorateur du compositeur viennois. Toute sa carrière fut placée sous le signe d’une profonde compréhension de ses symphonies. Défenseur de la musique et de la culture allemande, lui-même compositeur, Furtwängler ne quitta pas son pays malgré son hostilité au régime nazi. Il fut inquiété après la guerre, mais acquitté à l’issue d’un procès. Ses enregistrements demeurent parmi les plus importants de l’histoire de la musique.

Furtwängler en 10 dates :

  • 1886 : Naissance à Berlin
  • 1906 : Premier concert à Munich
  • 1911 : Directeur musical de l’orchestre de Lübeck
  • 1915 : Kappelmeister de Mannheim
  • 1922 : Directeur de l’Orchestre philharmonique de Berlin
  • 1927 : Directeur de l’Orchestre philharmonique de Vienne
  • 1944 : Enregistrement de la Symphonie n°3 « Héroïque » de Beethoven
  • 1946 : Procès en dénazification
  • 1951 : Réouverture du festival de Bayreuth
  • 1954 : Mort à Baden-Baden

Furtwängler dirige son premier concert à 20 ans, puis est choisi par l’Orchestre de Lübeck.

Né dans une famille aisée, qui lui facilite l’apprentissage de la musique, Furtwängler songe à devenir compositeur. Il commence très tôt à écrire des pièces pour piano, mais aussi des partitions ambitieuses dont plusieurs symphonies et un Te Deum. Ces partitions ne recueillent guère d’avis favorables. Il donne son premier concert à Munich, où il dirige une ouverture de Beethoven et la 9ème Symphonie de Bruckner. Le public applaudit mais la critique est mitigée. Les années suivantes, il se rend à Zurich pour des opérettes puis à l’opéra de Strasbourg où il séjourne quelques temps et fait la connaissance de Bruno Walter. Il se porte candidat à Lübeck après le départ d’Hermann Abendroth, et bien que non favori, remporte l’audition publique. Il y reste quatre ans et y apprend véritablement son métier de chef d’orchestre.

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L’Orchestre philharmonique de Berlin devient sa phalange de prédilection, après un passage par Mannheim.

En 1915, le poste de Kappelmeister à l’Opéra de Mannheim est vacant. Ne nombreux chefs le convoitent, mais le jury choisit Furtwängler après l’avoir entendu dans Fidelio à Lübeck. Le prestige de ce nouvel emploi lui vaut d’être invité à Berlin pour diriger l’Orchestre philharmonique, où il recueille des critiques très élogieuses. Sa conception et son style de direction seront toujours assez romantiques, la sensibilité primant sur l’analyse, recommandant « de ne pas être plus intelligent de la tête que du cœur ». Arthur Nikisch est lors à la tête de la célèbre phalange allemande. Furtwängler lui succède en 1922, ce qui ne l’empêche pas de prendre également la direction du Gewandhaus de Leipzig, qu’il conservera jusqu’en 1928.

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Sa première tournée américaine a lieu en 1925. Il dirige alors le New York Philarmonic et y retournera deux ans plus tard, avant l’arrivée de Toscanini. Mais il n’apprécie guère l’ambiance générale, malgré le succès que lui réserve le public. C’est aussi l’époque de ses premiers enregistrements discographiques, avec l’ouverture du Freischütz de Weber et la Cinquième Symphonie de Beethoven. Il prend ensuite la direction de l’Orchestre philharmonique de Vienne. Bien qu’il n’y reste officiellement que trois ans, il continuera longtemps à diriger cet orchestre. En 1931, il participe pour la première fois au Festival de Bayreuth.

 

Dans l’Allemagne nazie de Hitler, Furtwängler continue de diriger, mais prend ses distances avec le nouveau régime et se remet à la composition.

L’arrivée au pouvoir d’Hitler en 1933 secoue le monde artistique allemand. Beaucoup décident de quitter le pays. Furtwängler, lui, reste. Mais il marque ses distances, après une courte période de collaboration. Ainsi, en décembre 1934, se démet-il lui-même de ses fonctions officielles, après avoir pris publiquement la défense du compositeur Hindemith. Il se remet à la composition. Il écrit deux sonates pour violon et piano, et un Concerto symphonique pour piano et orchestre, une œuvre originale qui place à égalité les deux partenaires, dans une unité plus affirmée que dans les concertos habituels. Un compromis avec les autorités lui permet de diriger sans titre officiel et de voyager. Il retrouve ainsi son Orchestre symphonique de Berlin le 25 avril 1935 dans un concert Beethoven en présence de Hitler. Il dirige ensuite à Londres et à Paris, où il retourne plusieurs fois jusqu’à la guerre. Il est même décoré de la Légion d’honneur début 1939. Pendant la guerre, il continue de diriger à Berlin et à Vienne ainsi qu’en Scandinavie, et enregistre beaucoup, notamment les Symphonies n°5, n°7 et n°8 de Bruckner, et presque toutes les symphonies de Beethoven. Son « Héroïque » est restée sans doute l’une des plus belles versions de cette symphonie. Durant les dernières années de guerre il joue pour la radio, dans des salles sans public en raison des bombardements.

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Après la Seconde Guerre mondiale, le chef d’orchestre doit rendre des comptes avant de pouvoir reprendre la direction de son orchestre. Mais il est présent à la réouverture de Bayreuth.

Après avoir été acquitté à l’issue du procès en dénazification, il reprend la direction de l’Orchestre philharmonique de Berlin en 1947. Il retrouve le succès, à Paris dès janvier 1948, et à Londres le mois suivant. Mais aux Etats-Unis, une campagne hostile de grands musiciens solistes l’empêche de signer un contrat avec Chicago. Malgré la défense en sa faveur de Menuhin et Milstein, il reste en Europe. En juillet 1951, il est invité à faire la réouverture du Festival de Bayreuth avec la Neuvième de Beethoven. « Je n’ai jamais dirigé que ce qui me causait de la joie, et à quoi je pouvais m’identifier », a-t-il écrit. Dans son ouvrage Musique et verbe, il évoque ses compositeurs préférés, de Bach à Beethoven, et explique sa vision de la musique, qui doit représenter l’homme éternel, avec ses faiblesses et ses forces. Il souligne l’importance du concert et du rôle de l’interprète, qui permettent la communion avec le public.

Ouverture de Don Giovanni avec l’Orchestre Philharmonique de Vienne (Festival de Salzbourg en 1954)

 

Alfred Brendel a tracé de lui un portrait saisissant : « Grand, mince et légèrement penché vers l’arrière, Furtwängler semblait, debout devant son orchestre, embrasser des yeux de vastes espaces. Son cou démesuré à la Modigliani renforçait encore cette image. Sa technique de direction avait peu de choses en commun, du moins dans les années d’après guerre, avec les chefs actuels. Elle était le résultat d’une détente corporelle. La vibration vers le bas des deux bras presque allongés pouvait, quoique peu cohérente, produire des effets étonnants, à savoir des sons d’une force élémentaire, que je n’ai plus entendus depuis. »

 

A Vienne il grave l’un des opéras de Wagner, ultime enregistrement avant sa mort.

Ses derniers concerts sont pour les festivals de Lucerne et de Besançon à l’été 1954. Il enregistre son dernier disque, La Walkyrie de Wagner avec le Philharmonique de Vienne, avant de mourir à la fin du mois de novembre, à Baden-Baden. Son ami Karl Böhm lui rend hommage en évoquant « toute la Beauté inoubliable qu’il nous laissa en cadeau dans le domaine de l’Art le plus divin ». Dans ses carnets, Furtwängler avait écrit : « Je tiens à dire que j’ai commencé comme compositeur bien avant de diriger, et toute ma vie je me suis considéré comme un compositeur qui dirige mais jamais comme un chef d’orchestre. »

 

Philippe Hussenot

 

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