Emmanuel Macron reçoit ce mardi les dirigeants des 50 sites industriels les plus polluants, qui représentent 10% des émissions de CO2 du pays. A Dunkerque, bastion de l’industrie française, la collectivité se mobilise pour la décarbonation du territoire.
A Dunkerque, « l’autoroute de la chaleur » doit créer un réseau de chaleur entre les industriels
L’objectif de la réunion d’aujourd’hui est d’accélérer la décarbonation des sites les plus polluants, comme dans le bassin industriel de Dunkerque, qui concentre 15% des émissions de CO2. Ce sujet de la décarbonation irrigue toutes les décisions industrielles du territoire. Le maire Patrice Vergriete s’engage à « moderniser l’industrie » et à « faire jouer les filières émergentes ensemble » pour que tous les acteurs soient alignés sur cet objectif. « On ne bascule pas un bassin industriel dans la décarbonation avec une entreprise à la fois », remarque-t-il. Une de ces initiatives est « l’autoroute de la chaleur » : « la collectivité a construit un réseau de chaleur qui doit pouvoir permettre d’alimenter la « gigafactory » du [fabricant de batteries] Verkor« , explique le maire. Cette usine a besoin de chaleur décarbonée pour sa production, que cette autoroute va lui fournir via d’autres industries, notamment Arcelor Mittal. L’aciériste est tout simplement le plus gros émetteur de CO2 en France. La collectivité accompagne donc aussi, avec l’Etat, la transformation de ses procédés : l’intégration d’acier recyclé dans la production de nouvel acier, la captation du CO2 émis pour le stocker en Mer du Nord…
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Pour certaines industries, l’enjeu est de recycler le CO2 pour le réintégrer dans la fabrication
Arcelor Mittal investit aussi sur l’hydrogène pour produire de l’acier vert : c’est le cas depuis 2020. L’hydrogène est une pièce essentielle dans la décarbonation des aciéristes et d’autres industries lourdes et polluantes. « Pour produire de l’acier, on peut réduire le minerai de fer avec de l’hydrogène vert et non plus par du coke de charbon », donne en exemple Eric Bergé, coordinateur du secteur industrie du think tank Shift Project. Selon lui, cela supprimerait totalement les émissions de CO2 dans la production de l’acier, qui relâche aujourd’hui 2 tonnes de CO2 par tonne produite. Le même procédé serait envisageable pour l’engrais naturel.
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Décarboner l’énergie utilisée pour la fabrication d’acier, de ciment ou d’engrais pour les chimistes ou les sucriers : cela passera par l’électrification des procédés. Mais pour certaines industries, les producteurs de plastique ou de carburant par exemple, le carbone est présent dans les matériaux utilisés. L’une des solutions est donc de recycler le carbone pour le réintégrer dans la fabrication. C’est l’objet des recherches menées par Thibaut Cantat, directeur de recherche au CEA. « Si on prend le CO2 comme source de carbone – et qu’on y rajoute de l’énergie sous une forme d’électricité bas carbone –, on peut convertir ce CO2 pour refaire les produits utiles dont on ne sait pas se passer », imagine-t-il. Ce procédé sera déployable selon lui à l’échelle industrielle d’ici 2050. En attendant, il va falloir beaucoup investir et miser aussi sur la sobriété. Selon le Shift Project, cette sobriété représentera pour 20% des baisses d’émissions de CO2 de l’industrie. Le rythme doit doubler dès ce quinquennat, a prévenu l’Elysée.
Baptiste Gaborit