Le non-lieu prononcé dans l’affaire du chlordécone, ce pesticide toxique interdit en 1993, a mis en colère les habitants de Martinique et de Guadeloupe. Le ministre délégué aux Outre-mer, Jean-François Carenco s’est rendu sur place il y a une dizaine de jours.
Le ministre délégué aux Outre-mer, Jean-François Carenco a promis d’accélérer le dépistage sanguin des salariés agricoles
Le chlordécone, ce pesticide utilisé à partir de 1972 pour lutter contre le charançon du bananier a été retiré aux Etats-Unis dès 1976 en raison de sa toxicité. La France n’a commencé à l’interdire qu’en 1990, sauf en Guadeloupe et en Martinique où il aura fallu attendre 1993. Si en juin dernier le tribunal administratif de Paris a condamné l’État pour des « négligences fautives », en revanche, sur le plan pénal, la justice a prononcé un non-lieu au début du mois. Les deux magistrates instructrices le justifient par l’état des connaissances scientifiques en 1990. Les parties civiles vont faire appel mais cette décision a provoqué un vent de colère chez les Antillais. Le ministre délégué aux Outre-mer, Jean-François Carenco s’est rendu dans les Antilles. Il promet une accélération du déploiement du dépistage sanguin des salariés agricoles pour mesurer leur exposition au chlordécone. Ces tests étaient déjà possibles auparavant, mais peu de travailleurs agricoles y avaient recours, notamment en raison de l’éloignement des laboratoires. Cela se fera donc directement dans les exploitations. L’initiative est bien tardive, regrette l’avocat Christophe Lèguevaques qui représente des victimes et des associations : « ils le font 40 ans trop tard ! Aux Etats-Unis, les dépistages ont été faits dans le mois qui a suivi [l’interdiction] ». Il déplore qu’il y ait fallu « cette catastrophe judiciaire » .
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Fin 2021, le cancer de la prostate a été reconnu comme une maladie professionnelle pour les agriculteurs exposés aux pesticides
Chacun peut déjà se faire dépister gratuitement, mais l’avocat regrette qu’il n’y ait pas de campagne massive, alors que selon l’Agence française de sécurité sanitaire (Anses), près de 90% des populations de Martinique et de Guadeloupe sont contaminées au chlordécone. Plusieurs études de l’Inserm décrivent pourtant les risques pour la santé humaine, comme le précise le docteur Luc Multigner qui participe à ces recherches : « l’exposition des populations au chlordécone a entraîné un excès de risque de survenue du cancer de la prostate chez l’homme, et un excès de risque de naissance prématurée chez la femme enceinte « . A cela peuvent s’ajouter des effets sur le développement neurocomportemental des enfants. Fin 2021, le cancer de la prostate a été reconnu comme une maladie professionnelle pour les agriculteurs ouvrant la voie à des compensations financières. Pour l’heure 55 dossiers ont été déposés.
Marc Teddé