Environnement : Quand l’éradication de certains animaux permet de rétablir un écosystème

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Comment préserver et rééquilibrer les écosystèmes qui ont été bouleversés par l’homme ? Cela passe aussi parfois par l’éradication d’animaux introduits dans certains milieux, comme sur l’île française d’Amsterdam dans l’Océan Indien.

 

La pérennité de certaines espèces peut être menacée par des animaux exotiques sous ces latitudes

Sur cette île située à 2.800 km de l’île de la Réunion, il n’y a pas d’habitants à proprement parler mais une base scientifique qui accueille 20 à 40 personnes selon la saison pour étudier cette réserve naturelle. En 2010, les bovins introduits sur l’île à la fin du 18eme siècle avaient été abattus. L’an prochain, tous les autres animaux qui ont été également introduits – volontairement ou pas – dans ce milieu fermé seront éradiqués. On parle ici principalement de rats et de souris, mais également d’une poignée de chats harets – chats domestiques retournés à l’état sauvage. Tous représentent une menace directe ou indirecte pour la faune de l’île, notamment les oiseaux, détaille Clément Quetel, directeur adjoint de la direction de l’environnement des Terres australes et antarctiques françaises. « Les oiseaux nichent à même le sol et n’ont pas adopté de comportements de défense », explique-t-il, ajoutant : « on observe des cas de prédation de rats qui viennent directement consommer les oeufs, ou s’attaquer aux poussins ». Cela génère une mortalité assez importante au sein des colonies, qui au fil des ans peut nuire aux reproductions et à la pérennité de l’espèce.

 

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Parmi ces oiseaux ainsi menacés, on peut citer le Gorfou Sauteur, le Pétrel, l’Albatros à bec jaune (l’île abrite les deux tiers de la population mondiale), et enfin l’Albatros d’Amsterdam dont il ne reste que là-bas que 35 couples et nulle part ailleurs dans le monde. Mais les espèces introduites sont aussi des menaces pour la végétation. « Le Phylica arborea était le seul arbuste présent. Les souris viennent consommer les graines sur les arbres, donc[celles-ci] ne tombent pas au sol pour germer » détaille Clément Quetel. Quant aux rats, « ils s’attaquent plutôt aux jeunes plants, cela peut mettre l’espèce en danger dans certains secteurs ». Il a donc été décidé d’éliminer ces rats, des souris et ces chats. Il s’agit d’une opération d’envergure, un projet à plus de 2 millions d’euros qui mobilise une équipe pendant des années pour la préparation et la vérification des résultats.

 

Les rats sont suspectés de transporter la bactérie qui provoque le choléra aviaire

Clément Quetel indique que la méthode d’élimination consiste en de « l’épandage d’appâts empoisonnés » avec deux hélicoptères : « ces petits granulés sont faits avec des céréales qui ciblent spécifiquement les rongeurs, les rats et les souris. Le premier objectif est bien sûr de s’assurer qu’il n’y ait pas d’autres espèces qui les consomment ». L’avantage de l’île d’Amsterdam est qu’elle n’accueille que des oiseaux marins, qui se nourrissent uniquement en mer. Quant aux chats, ils devraient être également empoisonnés en consommant ces rongeurs déjà intoxiqués. Les derniers félins seront ensuite capturés grâce à des pièges ou chassés.

 

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L’éradication de ces mammifères permettra aussi de vérifier certaines hypothèses scientifiques. L’éco-épidémiologie Jeremy Tornos, chercheur au CNRS s’intéresse notamment aux modes de propagation des virus, bactéries et champignons : « sur Amsterdam, on sait qu’il y a le choléra aviaire, qui touche vraiment trois espèces ». Il s’agit d’une bactérie dont on ne sait pas comment elle se maintient sur place. « On suspecte fortement les rats, connus pour être des porteurs sains de cette maladie » explique le scientifique. Enfin une fois rétablis le milieu et l’écosystème naturel de l’île, faudra bien entendu s’assurer que ces animaux – exotiques sous ces latitudes – ne reviennent pas notamment à la faveur des ravitaillements de la base scientifique par bateau quatre fois par an.

Marc Teddé

 

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