Bassines de Sainte-Soline : Est-ce que ces réserves d’eau sont efficaces contre la sécheresse ?

UGO AMEZ/SIPA

Militants écologistes et forces de l’ordre se sont opposés ce week-end autour des méga-bassines d’eau de Sainte-Soline, qui garantissent l’approvisionnement des agriculteurs. Le débat autour de l’impact de ces bassines sur les nappes phréatiques et l’agriculture est relancé.

Les bassines permettent d’augmenter le débit de la Sèvre Niortaise pendant l’été

Ce week-end dans les Deux-Sèvres, une mobilisation importante, avec des affrontements violents, a eu lieu autour des méga-bassines d’eau. Ces retenues d’eau sont une solution viable face à la sécheresse, défendent les agriculteurs qui portent ce projet de 16 retenues d’eau dans les Deux-Sèvres, comme celle de Sainte-Soline. Il s’agit d’immenses cratères reliés aux nappes phréatiques : l’eau est pompée pendant l’hiver, une période de « recharge » des nappes, explique François Petorin, agriculteur et administrateur de la Coop de l’eau a l’origine de ce projet. Du 1er novembre au 31 mars, la période est propice aux prélèvements. « Ils ont beaucoup moins d’impact sur le milieu naturel et ça permet de sécuriser des volumes pour l’été », justifie-t-il. Ce système permettrait aux agriculteurs de continuer à irriguer en été, tout en diminuant de 50% les prélèvements à cette période où la ressource manque très souvent.

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L’un des arguments majeurs des anti-bassines est que lorsqu’on pompe l’eau, on la retire du milieu naturel et on en prive les écosystèmes, ce que contredit François Petorin : « on ne perturbe pas le cycle de l’eau, on prend juste un surplus ». Selon lui, l’eau s’infiltre et s’exfiltre très facilement dans les nappes. « Si tout le monde pompe l’eau pendant l’été, on sait très bien l’effet que ça a », lâche-t-il. Les derniers rapports disponibles semblent lui donner raison. En juillet dernier, le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) a publié son rapport sur l’impact de ces réserves sur le bassin de la Sèvre Niortaise. Le niveau des nappes serait effectivement largement amélioré l’été. Sur les cours d’eau, l’effet est positif avec une augmentation du débit des cours d’eau de 6% en moyenne. En hiver, la baisse enregistrée est certes de 1%, mais cela reste négligeable selon le BGRM.

Ces bassines empêchent les agriculteurs de changer leurs pratiques, dénonce cette hydrologue

Néanmoins, les bassines ne sont pas exemptes de toute critique. D’abord, cette étude ne prend pas en compte l’évaporation des réserves. Ce phénomène se produit quand l’eau est stockée. De plus, le rapport ne prend pas en compte non plus l’impact de sécheresses récurrentes, un risque important pour ces réserves. « On est à la Toussaint et les cours d’eau sont déjà à sec ! Comment on fait pour recharger ses bassines si on ne peut déjà pas recharger nos nappes ? », s’agace Isabelle La Jeunesse, hydrologue à l’université de Tours et au laboratoire Espace du CNRS. La France devrait ainsi connaître des sécheresses pluriannuelles dans les prochaines décennies, c’est-à-dire plusieurs années de sécheresse consécutives. Même l’hiver, les nappes seront déficitaires.

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Le risque, poursuit l’hydrologue, est de créer une illusion avec ces bassines. « Elles font croire qu’il y a une ressource supplémentaire en eau alors qu’on pompe dans la même nappe, ce qui augmente les vulnérabilités », argumente-t-elle. D’après elle, ces bassines empêchent aussi que les agriculteurs prennent conscience qu’ils doivent adapter leur agriculture. « Le climat a changé, est en train de changer et va continuer à changer ! », martèle-t-elle. Si ces bassines peuvent être une solution dans certains endroits, la priorité doit être l’adaptation de l’agriculture au changement climatique selon les spécialistes. Il s’agit de revoir les cultures et les usages qui sont faits de l’eau.

Baptiste Gaborit

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