Face à la sécheresse qui frappe la France, les habitudes des agriculteurs sont bouleversées. Entre l’avancement des périodes de plantation et l’utilisation de nouvelles techniques d’irrigation les exploitants doivent faire preuve d’ingéniosité.
Les agriculteurs sèment dans des prairies qui se sont reposées durant 4 ou 5 années
La sécheresse s’installe en France. Les recharges hivernales des nappes phréatiques ont été très insuffisantes. 15 départements sont déjà soumis à des restrictions d’eau. Les premiers touchés, ce sont les agriculteurs. Ils vont devoir s’adapter à ces sécheresses précoces et plus longues. Nombreux sont ceux qui ont déjà commencé à changer leurs pratiques. Comme Olivier Parou, céréalier dans le Loiret, propriétaire de 200 hectares de blés, d’orges, de mais, de betteraves et dont la situation est déjà inquiétante : « on voit les feuilles qui vrillent car les plantes ont soif. Cela fait 5 mois qu’on est en déficit hydrique. Encore 15 jours dans les mêmes conditions et la situation deviendra dramatique ». Pour l’instant c’est le blé qui souffre puisque durant cette période la céréale a besoin d’eau.
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Ensuite ce sera au tour du mais qui est gourmand en eau en pleine saison estivale. Pour s’adapter, depuis quelques années, Olivier fait ses semis plus tôt : « pour le maïs on sème 15 jours plus tôt qu’il y a 20 ans. On sème plus tôt pour que les cultures fassent leur cycle avant la grande sécheresse. Avec 5 mois de sécheresse la plante ne pourra jamais se développer correctement ». Il a donc aussi décidé de faire un peu moins de maïs sur son exploitation. C’est ce que fait également Nicolas Blanchard en Vendée. Cet éleveur laitier en bio et légumes de plein champ, possède, avec deux associés, une cinquantaine de vaches. Il est passé de 15 hectares de maïs à 8 hectares : « on plante moins de maïs. On est obligé de semer dans des prairies qui se sont reposées durant 4 ou 5 années et dont les sols ont une rétention d’eaux afin d’avoir une chance que le maïs pousse ».
« Une stratégie intéressante serait de multiplier les choix des espèces et des variétés »
Pour remplacer le maïs, Nicolas et ses associés ont planté il y a 3 ans des betteraves fourragères, plus résistantes à la sécheresse et aux fortes chaleurs. Dans les prairies aussi les agriculteurs doivent s’adapter : « on a implanté beaucoup plus de Luzernes. C’est une plante méditerranéenne capable d’avoir des racines qui vont jusqu’à 4 mètres de profondeur pour chercher de l’eau. C’est l’un des seuls fourrages qui poussent à plus de 30 degrés ». Sur l’exploitation, les associés ont créé un petit étang pour stocker de l’eau. Cette eau est utilisée pour irriguer uniquement les légumes : « il faudra que le monde agricole sache capter l’eau durant l’hiver. Afin d’irriguer des plantes qui ne serviront pas l’alimentation des animaux mais davantage celle des humains ». L’irrigation est donc importante mais les problématiques sont logistiques.
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Faut-il stocker l’eau dans des bassines ? Pour quels usages agricoles l’eau doit-elle servir ? Ce sont donc des questions essentielles qui taraudent les agriculteurs. Pour une meilleure conservation des sols les solutions sont nombreuses. En effet, on peut faire moins de labours profonds et davantage de semis sous couvert. On pourrait replanter des arbres et des haies pour limiter l’érosion et favoriser l’infiltration de l’eau. Selon Philippe Debaeke, chercheur en agronomie à l’INRAE de Toulouse, pour diluer le risque, il faudrait également diversifier les cultures : « une stratégie intéressante serait de multiplier les choix des espèces et des variétés pour éviter d’avoir les mêmes cycles de cultures à l’échelle d’une exploitation. Surtout face au changement climatique qui s’accompagne d’une variabilité beaucoup plus grande au sein d’une même saison. D’autant plus que cela entraine une difficulté dans les prévisions des périodes de sécheresse ». Il n’y a donc pas de solution miracle mais une combinaison de solutions qui pour certaines existent déjà. Les agriculteurs attendent beaucoup aussi de la sélection variétale et du développement de plantes plus résistantes notamment à la sécheresse.
Baptiste Gaborit