Ukraine : Si Vladimir Poutine n’arrive pas à s’imposer, « il lui reste l’arme du chaos », prévient Giuliano Da Empoli

Gavriil Grigorov/SPUTNIK/SIPA

Giuliano Da Empoli, président du think-tank Volta et auteur d’un roman sur le Kremlin, était l’invité de Guillaume Durand ce matin sur Radio Classique. Il décrypte l’exercice du pouvoir de Vladimir Poutine, marqué par la violence, la verticalité mais aussi une solitude croissante.

« La folie est au coeur de tout pouvoir » selon l’écrivain

Dans son dernier roman Le mage du Kremlin (Gallimard), Giuliano da Empoli donne à voir le cœur du pouvoir russe et les conseillers qui gravitent autour de Vladimir Poutine. Un se démarque : Vadim Baranov, personnage inspiré de Vladislav Sourkov, principal idéologue poutinien des années 2000 que l’écrivain a rencontré. Le contraste avec les autres hommes de Poutine fut immédiat : « La cour du Kremlin est un endroit assez dur et froid, peuplé d’hommes d’affaires et d’anciens des services de sécurité », décrit-t-il. « Mais lui vient du théâtre d’avant-garde, il a écrit des romans sous pseudonymes et il a des affiches de rappeurs américains dans son bureau ». Sa contribution au pouvoir russe culmine aux Jeux Olympiques de Sotchi en 2014, avant d’être écarté à partir de la guerre de Crimée la même année, raconte le président de Volta dans son livre. L’auteur de nombreux essais voulait écrire « un roman sur le pouvoir et ses aspects ». Selon lui, le format du roman permet d’entrer dans une dimension insoupçonnée de la politique, notamment de l’irrationnel et de la « folie qui est au cœur de tout pouvoir ».

A lire aussi

 

Depuis 1999, Vladimir Poutine consolide son pouvoir par la violence et la verticalité

Tout au long du livre, Giuliano Da Empoli déroule le pouvoir de Poutine fondé sur une « violence considérable ». En 1999, quand celui-ci devient le cinquième premier ministre en deux ans, il recueille 4% de popularité. Mais il restaure, d’après l’écrivain, « un élément de verticalité » en adoptant une posture très dure vis-à-vis des tchétchènes accusés d’avoir mené une vague d’attentats de 1999. « Ce que nous vivons aujourd’hui en Ukraine est le paroxysme de cette violence et de cette verticalité », analyse-t-il. Giuliano Da Empoli met aussi en exergue « la solitude extrême de l’homme de pouvoir ». Selon des neuroscientifiques, l’exercice du pouvoir a « l’effet d’un traumatisme chronique crânien ». L’empathie et l’interprétation des signaux faibles se brouillent. « C’est le grand paradoxe de tout pouvoir », insiste-t-il. « Pour l’atteindre, il faut comprendre les autres. Puis, on est de plus en plus seuls, et on a de plus en plus de mal à analyser les situations ».

A lire aussi

 

Enlisée dans une guerre qui lui devient défavorable, le Kremlin a encore de quoi « punir » l’Ukraine, alerte l’écrivain: « celui qui n’a pas la force d’imposer son ordre a au moins l’arme du chaos ». Il craint que les Ukrainiens ne se retrouvent dans un « État en faillite complètement détruit » à cause d’une « véritable stratégie du chaos ». Malgré la déchéance économique et militaire de la Russie, Poutine peut selon lui obtenir le respect « en faisant croire qu’il est fou, y compris à travers le chantage nucléaire ».

Clément Kasser

Retrouvez les articles liés à l’actualité internationale