Guerre en Ukraine : « Pour le moment, il n’y a aucune raison que ça s’arrête » selon l’ex-ambassadrice en Russie Sylvie Bermann

UPI/Newscom/SIPA

Sylvie Bermann, ex-ambassadrice de la France en Chine puis en Russie, était l’invitée de Radio Classique ce matin. La rétrocession de la Crimée à l’Ukraine est quasiment impossible, tout comme le succès des négociations de paix pour le moment, assure-t-elle. Elle se penche aussi sur le rôle de la Chine comme soutien tacite de la Russie.

Le « pacte social » entre les Russes et Poutine résiste à la guerre selon Sylvie Bermann

Emmanuel Macron a annoncé hier sur France 2 l’envoi de radars et de missiles anti-aériens après les récentes frappes russes dans plusieurs villes ukrainiennes. Il a réaffirmé son refus de « tout discours jusqu’au-boutiste » avec la Russie, ce qui est censé selon Sylvie Bermann. « Une guerre se termine toujours par des négociations, c’est pourquoi le président considère qu’il est normal de maintenir les liens avec Vladimir Poutine, sans illusions », indique-t-elle. Sa démarche se distingue de celle du président américain Joe Biden, qui refuse de lui parler et veut faire du chef du Kremlin « un paria ». Au contraire, l’ex-ambassadrice pense qu’il ne faut pas « insulter l’avenir ».

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Il existe une sorte de « pacte social » en Russie acquis depuis la fin des années 90, marquées par le chaos de la présidence de Boris Eltsine, la famine et l’inflation à 2500%, selon Sylvie Bermann. Vladimir Poutine a promis la « stabilité » pour le pays « contre l’absence de liberté », rendant ainsi « leur fierté aux Russes » sur la scène internationale selon elle. « Un de mes collègues m’avait dit que Moscou est la nouvelle Mecque des pays du Moyen-Orient », se souvient l’ambassadrice de Russie entre 2017 et 2019. En annexant la Crimée en 2014, Vladimir Poutine a réparé ce qui était considéré comme une « injustice » dans toute la classe politique russe « même par Gorbatchev« . C’est pourquoi le retour de la région russophone dans le giron ukrainien est « pratiquement impossible » d’après elle. En face, Volodymyr Zelensky, « galvanisé par le courage de son peuple et par les armements occidentaux« , a totalement abandonné ses propositions de paix du mois de mars et veut « reconquérir la totalité du territoire ». Dans ces conditions, « il n’y a aucune raison que la guerre s’arrête » pour le moment, affirme-t-elle : « le temps est celui des armes et du champ de bataille plutôt que celui de la diplomatie ».

« Embarrassée par la guerre », la Chine n’est pourtant pas prête à lâcher la Russie

La Chine, engagée dans un partenariat « sans limite » avec la Russie depuis ses Jeux Olympiques d’hiver en février, est « très embarrassée » par cette guerre, rappelle l’ex-ambassadrice : « Pékin rappelle en permanence le principe de respect de l’intégrité territoriale et des frontières ». Xi Jinping ne livre pas de matériel militaire mais n’est pour autant pas prêt à lâcher Vladimir Poutine en raison de la « forme de guerre froide » qui l’oppose aux Etats-Unis, nuance-t-elle : « L’ennemi de mon ennemi est mon ami ». Hier encore, comme une cinquantaine de pays, la Chine s’est abstenue de contourner les sanctions onusiennes visant Moscou pour l’annexion de territoires ukrainiens. Ambassadrice de France dans le pays entre 2011 et 2014, Sylvie Bermann dit avoir constaté un rapprochement entre les deux puissances orientales, suivi d’un partenariat dans le domaine militaire et spatial.

Clément Kasser

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