Comme certains observateurs, le général Vincent Desportes, professeur à Sciences Po Paris et HEC, estime au micro de Radio Classique que la menace atomique russe doit être prise au sérieux. Il revient sur les différences entre arme nucléaire tactique et nucléaire stratégique, ainsi que sur l’hypothèse de frappe russe sur le territoire ukrainien.
L’arme nucléaire tactique produit un choc psychologique ; l’arme stratégique est dévastatrice
Brandir voire utiliser l’arme nucléaire est « la dernière carte qui reste à Vladimir Poutine s’il veut renverser la situation » après le référendum et la mobilisation des conscrits, estime le général Desportes. S’il n’est pas obligé d’y avoir recours, « un homme acculé devant la perspective de sa propre mort » pourrait passer à l’acte. Il faut différencier les armes nucléaires tactiques et stratégiques, poursuit-il. Les premières ont une portée moindre et ne pèsent pas plus d’une centaine de kilotonnes – comme les ogives utilisées contre Hiroshima et Nagasaki en 1945. Elles produisent un choc psychologique mais les dégâts matériels sont moindres que ceux de l’arme stratégique. Celle-ci est « anticité », c’est à dire qu’elle peut détruire une ville et engendrer un maximum de victimes. « Ceci dit, une arme nucléaire reste d’abord une arme essentiellement politique », ajoute le général, expliquant que cette classification a été établie pour les conférences de désarmement.
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Par exemple, si le chef du Kremlin décide de tirer sur l’île des Serpents – une île dans la mer Noire appartenant à l’Ukraine – il montre « au monde entier » son intention sans provoquer trop de dégâts, explique le général. Une bombe nucléaire produit plusieurs effets après son impact : un effet d’éblouissement, de chaleur « avec des brûlures très fortes pour la population », un effet électromagnétique et surtout un « effet de souffle », qui va détruire tout sur son passage. Tout dépend de la puissance de la bombe et la hauteur à laquelle elle explose, nuance-t-il. La difficulté est qu’à ce jour, « aucune puissance au monde n’est capable de détecter un sous-marin lanceur d’arme nucléaire », déplore-t-il, « c’est pour ça que la menace existe en permanence ». Dans le cas où la Russie frapperait une ville ukrainienne, le général doute des velléités de riposte des Occidentaux : « est-ce que Kharkiv et Kherson font partie des intérêts vitaux américains et français ? Est-ce que nous serions prêts à sacrifier Paris ou New York pour ces villes ? », interroge-t-il.
La piste russe écartée pour le sabotage des pipelines dans la Baltique, selon le général Desportes
Concernant le sabotage des pipelines des gazoducs Nordstream 1 et 2 qui s’est produit en début de semaine dans la mer Baltique, le général Desportes ne voit pas pourquoi le Kremlin l’aurait provoqué : « les Russes peuvent fermer ces pipelines comme ils le veulent. Ça n’écarte pas complètement, mais assez largement cette piste ». Beaucoup de marines sont capables d’avoir commis « cet acte terroriste » selon lui. Il pourrait s’agir de « plongeurs de combats » équipés de bombes ou bien de drones sous-marins, « une menace dont l’armée française se préoccupe sérieusement depuis un certain temps ».
Clément Kasser