Paolo Levi, journaliste de l’agence italienne de presse Ansa, et Ludmila Acone, historienne de l’Italie contemporaine, étaient les invités de la matinale de Guillaume Durand sur Radio Classique. Lors des élections législatives de dimanche, la formation d’extrême droite dirigée par Giorgia Meloni aurait obtenu plus de 26% des voix. Une victoire historique pour le mouvement post-fasciste italien qui annonce une nouvelle ère pour l’Italie contemporaine.
Les alliés de droite de Giorgia Meloni et les partis historiques de gauche et du centre ont essuyé une lourde défaite dans les urnes
Selon les résultats partiels des élections d’hier, l’Italie se réveille aujourd’hui avec un « raz-de-marée de l’extrême droite » dans les urnes, commente Paolo Levi. « C’est quelque chose d’incroyable », ajoute-t-il, étant donné l’inspiration fasciste du parti qui aurait remporté l’élection : Fratelli d’Italia (FdI), formation dirigée par Giorgia Meloni. Son symbole – la flamme tricolore – est le même que le Front National de Jean-Marie Le Pen, qui avait copié cette image du Mouvement Social Italien (MSI), dont FdI se fait l’héritier, rappelle le journaliste. Après « 50 ans de lutte pour le pouvoir », l’extrême droite signe ainsi « une grande revanche ». Il faut s’attendre à ce que Giorgia Meloni « dirige vraiment avec une main de fer », remarque Paolo Levi. La Lega et Forza Italia, ses alliés de droite, se sont effectivement effondrés : Matteo Salvini obtiendrait moins de 10%, « un désastre et une humiliation totale pour l’ancien capitaine », qui paye sa proximité avec Vladimir Poutine. L’ancien président du Conseil Silvio Berlusconi n’obtient lui que 7%. Quant aux partis de gauche, le parti démocrate d’Enrico Letta n’est pas parvenu à dépasser la barre des 20% et les centristes menés par Matteo Renzi gravitent autour de 7%. La surprise, selon Paolo Levi, vient du Mouvement 5 Etoiles de Giuseppe Conte, ancien membre de la coalition avec la Lega qui obtient environ 15% « alors que tout le monde annonçait son effondrement ».
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Si ces résultats partiels sont confirmés, Giorgia Meloni devrait devenir présidente du Conseil d’ici un mois après des tractations avec l’actuel président de la République Sergio Mattarella, explique Ludmila Acone. Ce serait le point d’orgue d’un parcours politique fourni, au cours duquel elle a été vice-présidente de la Chambre des députés et ministre de Silvio Berlusconi, malgré des convictions idéologiques très contestataires. « D’un côté, elle a investi les institutions, de l’autre, elle n’a jamais renié sa base idéologique post-fasciste [terme de Gianfroco Fini, ancien président du MSI] », indique l’historienne.
Pendant la campagne législative, « Giorgia Meloni a dit une chose et son contraire » notamment sur la politique économique à mener
La présidente de Fratelli d’Italia, tenante d’une politique migratoire et familiale très conservatrice, aura les « coudées franches », estime-t-elle. Ses colistiers et elle ont indiqué qu’ils ne se reconnaissaient pas dans les valeurs de la Constitution, née en 1948 dans le mouvement de résistance au fascisme. Même si on ne sait pas à quel point, « il y a une volonté de changer les choses au niveau de la Constitution », prévient Ludmila Acone. Par exemple, l’interdiction de reconstitution d’un parti fasciste gravé dans le texte fondamental italien pourrait bien être supprimée. Au niveau de la politique économique globale, il est encore tôt pour savoir ce que Giorgia Meloni va mettre en place, après une campagne résolument ambiguë. « Elle a dit une chose et son contraire par exemple sur la question du revenu citoyen », explique la journaliste. Ses proches ne sont pas de « grands techniciens de la question économique », si ce n’est Giulio Tremonti, l’ancien ministre des Finances du gouvernement Berlusconi. « On sent beaucoup d’amateurisme », poursuit-t-elle. La première épreuve sera de décider de la politique énergétique de l’Italie pour cet hiver, « et on la voit mal discuter en tête à tête avec Ursula Von der Leyen [présidente de la Commission Européenne] ».
En 1996 je réalisais un reportage sur Georgia Meloni, elle avait 19 ans et admirait Mussolini. Depuis elle a fait du chemin pic.twitter.com/fb4nJMG19d
— marie de la chaume (@mdelachaume) September 21, 2022
Clément Kasser