Crise de l’énergie : Si rien n’est fait, « des dizaines de milliers d’entreprises mettront la clé sous la porte » cet hiver, selon Jean-Eudes du Mesnil (CPME)

istock

Jean-Eudes du Mesnil, secrétaire général de la confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) était l’invité de Renaud Blanc ce matin sur Radio Classique. Malgré des années de concertation, il regrette que la réforme des retraites voulue par le gouvernement soit encore floue. Il alerte également sur les factures énergétiques salées qui attendent les PME à l’hiver.

Au sujet de l’âge de départ, des mesures d’accompagnements ou de la durée de cotisation, « c’est encore le flou artistique », regrette la CPME

La réforme des retraites est inévitable et « impérative », soutient Jean-Eudes du Mesnil, secrétaire général de la CPME : « on peut avancer tous les arguments qu’on veut, mais la démographie nous dit qu’on va avoir de plus en plus de gens à la retraite et de moins en moins d’actifs pour le financement ». De plus, 14 des 27 pays de l’Union Européenne ont réformé leur système lors des deux dernières années : « par exemple, les Allemands, qui ne sont pas des esclavagistes, travailleront jusqu’à 67 ans en 2030 », pointe Jean-Eudes du Mesnil. Selon lui, la situation presse et le dialogue a déjà assez duré. « J’ai discuté avec Jean-Paul Delevoye [Haut-commissaire aux Retraites jusque décembre 2019] pendant 18 mois, on se voyait quasiment tous les 15 jours », raconte-t-il. La CPME pousse pour une réforme rapide menée par Emmanuel Macron, qui se voit contrarié dans son propre camp, de la présidente de l’Assemblée Nationale Yaël Braun Pivet à François Bayrou. Selon une information du Parisien, la réforme pourrait être repoussée à février 2023 : ce retard serait acceptable si les Français, à force de « pédagogie », acceptent à ce moment le nouveau dispositif et qu’il n’y a pas de blocage dans les rues, répond le secrétaire général de la CPME.

A lire aussi

 

 

Pour l’instant, l’organisation patronale navigue à vue car le gouvernement entretient le doute sur beaucoup de points : « on ne connait pas l’âge de départ ni les mesures d’accompagnements ou la durée de cotisation. On est encore dans le flou artistique à ce jour », regrette-t-il. Mais si les partenaires sociaux s’étaient « mis autour de la table », le gouvernement n’aurait pas à « imposer » un texte aux autres, poursuit-il. Le secrétaire général de la CPME fustige la rigidité des syndicats au sujet du régime général de retraite, alors que des terrains d’entente sont régulièrement trouvés pour les retraites complémentaires de l’Agirc-Arrco, gérées conjointement par les partenaires sociaux. « L’Agirc-Arrco n’est pas autorisé à emprunter : quand il y a un déficit, tout le monde prend ses responsabilités pour parvenir à l’équilibre financier du régime », explique-t-il.

Si les grandes entreprises ont plus de marge de manœuvre pour leur facture énergétique, les PME se voient « imposer des tarifs absolument surréalistes »

Jean-Eudes du Mesnil balaye toute augmentation des cotisations sociales, mesure pas écartée par le Comité d’Orientation des Retraites (COR) pour réformer le système. Le niveau de cotisation pèse déjà « lourdement » sur l’activité selon lui: « on ne soutiendrait pas une réforme de ce type là, ce serait de la folie ». La CPME se dit cependant ouvert à un dispositif qui « concilie à la fois les carrières longues et l’usure professionnelle ». Les personnes qui ont eu un métier pénible peuvent partir plus tôt, mais pas « si ca n’a été que quelques années pendant [leur] carrière ». Reste à fixer l’échelle de pénibilité : « on connaît à peu près le taux d’accident du travail et de maladies professionnelles dans les branches. Ça peut servir de base », avance-t-il.

A lire aussi

 

 

 

Emmanuel Macron a demandé hier aux PME de ne pas signer des « contrats d’énergie à des prix fous », alors que les factures des entreprises risquent d’être décuplées voire plus à l’hiver. Une déclaration qui choque Jean-Eudes du Mesnil : « c’est sympa de nous dire ça, mais comment faire? On n’en sait rien du tout ». Si les grandes entreprises ont plus de marge de manœuvre, les PME se voient « imposer des tarifs absolument surréalistes ». La période de renouvellement de contrat arrive traditionnellement en décembre pour les entreprises : beaucoup d’entre elles vont faire face à un dilemme cette année. Sans tarifs plafonnés pour l’électricité et le gaz, « des dizaines de milliers d’entreprises françaises n’auront pas d’autre choix que de mettre la clé sous la porte », s’étrangle-t-il. Des entreprises commencent déjà à ralentir leur production, ajoute-t-il. Le gouvernement place ses espoirs dans le Conseil des ministres de l’Union Européenne le 30 septembre prochain et défend pour l’heure les dispositifs mis en place pour les entreprises. « Ces aides sont inopérantes », assène Jean-Eudes du Mesnil. Seulement 500.000 des 3 milliards d’euros débloqués ont été demandés par les entreprises, car les critères sont « inapplicables ». « Le gouvernement demande que la facture énergétique représente au minimum 3% du chiffre d’affaires. L’année dernière, c’était moins de 3% pour certaines mais ca pourrait grimper dans certains cas jusqu’à 10 ou 15% du chiffre d’affaires », argumente-t-il.

Clément Kasser

Retrouvez toute l’actualité Economie