Si la réforme des retraites est introduite dans le projet de budget de la sécurité sociale par amendement, le Modem a annoncé qu’il votera contre, a prévenu François Bayrou. Un positionnement qui pourrait morceler la majorité, même en cas de 49.3.
Le Modem est le deuxième groupe de la majorité et l’allié initial d’Emmanuel Macron, sans qui il n’aurait sans doute pas été élu en 2017
C’est une mauvaise nouvelle pour Emmanuel Macron, mais ce n’est pas une surprise. Dès ce week-end, François Bayrou a tiré à boulets rouges sur la méthode privilégiée par le chef de l’Etat pour la réforme des retraites : une inscription dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), avec un recours à l’article 49.3 s’il le faut. Le groupe Modem relaie donc l’hostilité et même la fureur de son président, en passant de la désapprobation verbale à la menace concrète dans l’hémicycle. Il ne s’agit pas de s’abstenir mais carrément de voter contre, comme le fera LFI ou le RN. A ceci près que le Modem est le deuxième groupe de la majorité et l’allié initial d’Emmanuel Macron, sans qui il n’aurait sans doute pas été élu en 2017. On est d’emblée au niveau maximal de la menace.
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Si le gouvernement est décidé à recourir au 49.3, la défection du Modem ne changera rien. Mais sur le plan politique, ce serait la première crise sérieuse dans la majorité, menaçant de la faire imploser. Sur une réforme aussi symbolique que celle des retraites, ce ne serait pas un groupe qui refuse un texte mais bien François Bayrou qui défie Emmanuel Macron. Le Haut-commissaire au Plan met la barre si haut parce qu’il veut convaincre le chef de l’Etat de ne pas utiliser la manière forte. S’il y parvient, il pourra se vanter d’avoir de l’influence sur le président. Mais s’’il échoue, il deviendra une Cassandre aux yeux de l’opinion.
Employer la méthode forte pour la réforme des retraites désavouerait indirectement le CNR
François Bayrou nous a habitués à faire entendre sa propre musique et à afficher ses désaccords. C’est aussi une manière d’exister politiquement. De plus, il a le statut de coordinateur d’un Conseil National de la Refondation (CNR) qui peine déjà à prendre son envol. Employer la méthode forte pour la réforme des retraites désavouerait indirectement le CNR – qui défend le débat et la négociation sur le long terme – et la CFDT en sortirait immédiatement, comme Laurent Berger l’avait annoncé. Cependant, le chef de l’Etat n’a aucune envie de céder. Il est persuadé que s’il ne la fait pas tout de suite, la réforme sera encore plus difficile à mener dans quelques mois. Mais il doit bien mesurer son risque. D’où cette initiative qui n’était pas prévue : Elisabeth Borne va recevoir aujourd’hui et demain à Matignon tous les groupes parlementaires pour tester les hypothèses et l’ampleur du combat qu’il y aura à mener. Le chef de l’Etat est aujourd’hui à New York pour l’assemblée générale de l’ONU, c’est donc la première ministre qui s’y colle. Mais la décision lui revient et il la prendra au plus tard ce week-end.
Guillaume Tabard