Qatargate: « C’est un secret de polichinelle, c’est assez facile de détecter qui sont les amis du Qatar », estime Georges Malbrunot

Jean-Francois Badias/AP/SIPA

Le Qatargate va ternir la relation entre l’émirat et l’Union Européenne, explique Georges Malbrunot, grand reporter au Figaro et invité de la matinale de Radio Classique. 

La candidature du Qatar pour les JO 2036 pourrait pâtir de l’affaire, d’après Georges Malbrunot

Avant la finale de la Coupe du monde ce dimanche, qui a été globalement un succès pour le pays hôte, le scandale du Qatargate au Parlement européen vient entacher la réputation de l’émirat. « Les Qataris sont extrêmement embarrassés, ça jette une ombre sur leur Coupe du monde« , explique Georges Malbrunot. Il ne se dit pas surpris par cette affaire de corruption mais plutôt par ses méthodes « rudimentaires » [valises remplies de petites coupures], alors que l’achat de politiques est plus efficace via des paradis fiscaux ou des virements bancaires selon lui. Il estime que l’initiative vient de proches de l’émir Al-Thani, par exemple le ministre du Travail Al-Marri qui avait rencontré Eva Kaili [vice-présidente du Parlement européen mise en cause].

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Les répercussions de cette « affaire malheureuse » pourraient être directes pour le Qatar, d’après le grand reporter : sa candidature pour les Jeux Olympiques de 2036 sera plus difficile à faire passer et la relation avec l’Union Européenne va se dégrader. Mercredi, les eurodéputés ont d’ailleurs voté à la quasi-unanimité la suspension des titres d’accès des représentants d’intérêts qataris dans l’institution. Les députés et les sénateurs français non plus ne sont pas à l’abri de ce trafic d’influences, remarque Georges Malbrunot. Heureusement, la corruption qatarie est « un secret de polichinelle », affirme-t-il. « C’est assez facile de détecter qui sont les amis du Qatar ». Il suffirait de répertorier les politiques qui votent systématiquement contre des sanctions. Dans les journaux, les tribunes ou les articles en faveur de l’émirat sont aussi facilement identifiables, selon lui. En France, les services de renseignements, collaborant avec la justice belge, seraient à l’affût. « On est au début de cette affaire, c’est la fin de l’omerta », poursuit-il.

Emmanuel Macron a « une relation sans amour » avec le Qatar, selon le journaliste

Mais le Qatar ne deviendra pas pour autant un Etat paria, pour de bonnes raisons, insiste l’invité de Renaud Blanc. L’émirat est devenu « incontournable sur la scène mondiale », alors que ce n’était encore qu’un « village de pêcheurs de perles il y a 50 ans ». Selon le journaliste, nous avons besoin du Qatar pour parler avec l’Afghanistan, le Hamas [mouvement islamique palestinien] ou pour régler des problèmes au Soudan ou au Tchad. Le pays a aussi signé des « accords très importants de long terme » avec la Chine et l’Allemagne. Même si Emmanuel Macron noue une « relation sans amour » avec l’émir Al-Thani, TotalEnergies a signé un contrat gazier dans le pays, crucial en cette période de crise énergétique. « Emmanuel Macron va être obligé de tendre la main au Qatar », pour des raisons de realpolitik, prévoit Georges Malbrunot. Néanmoins, le président se méfierait du pays, « composé de 80% de success story et 20% de zones d’ombres », selon le journaliste. Dans la région, la France s’est d’ailleurs rapprochée des Emirats Arabes Unis, « ennemi juré du Qatar ». Le financement d’ONG en rapport avec l’Islam en France et la couverture de l’assassinat de Samuel Paty par Al-Jazeera [chaîne d’information continue] aurait en effet crispé le locataire de l’Elysée. Ce qui est certain, conclut le journaliste, est que la relation entre les deux pays n’est pas aussi « chaleureuse » qu’au temps de Nicolas Sarkozy.

Clément Kasser

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