« Pour moi, c’est ça être humain » : A Paris, une réfugiée ukrainienne accueille des Russes opposés à la guerre

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En Russie, ils sont des centaines de milliers à avoir fui la mobilisation militaire. Jenia, musicien de 38 ans, est passé par la Géorgie avant d’arriver à Paris, où il a trouvé l’aide de Rita, une réfugiée ukrainienne.

Jenia a réussi à quitter la Russie à vélo

La plupart des déserteurs russes sont désormais en Géorgie, au Kazakhstan, en Turquie ou Arménie. D’autres parviennent jusqu’à Paris, sans visa et sans abri. C’est le cas de Jenia, qui est opposé à la guerre et au régime de Vladimir Poutine. Son exil commence dans un avion au départ de Moscou vers l’Ingouchie, dans le Caucase, puis en taxi jusqu’à la frontière géorgienne. Ce musicien moscovite de 38 ans est parti avec pour seul bagage un sac à dos et le vélo de son fils. Il se souvient être arrivé à la frontière « trempé », dans une longue file de voitures bloquées au poste de contrôle. « Je me suis dit que j’allais rester bloqué et que j’allais mourir », partage-t-il. C’était sans compter l’aide de son fils : « j’ai demandé à un policier si je pouvais passer à vélo, il m’a dit « allez-y ! » ». Arrivé en Géorgie, Jenia est loin d’être le seul en fuite. « Je n’avais jamais vu à l’étranger autant de Russes au même endroit », s’exclame-t-il. Le pays est peuplé par « tous les mecs branchés de Moscou et de Saint-Pétersbourg ». Dans les parcs, des gens l’interpellaient même pour lui dire combien ils aimaient sa musique.

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Rita, une Ukrainienne qui a fui Kiev, héberge en ce moment Jenia à Paris

A Paris, il retrouve son ami Oleg, lui aussi sans abri. Il ne veut pas demander l’asile politique en France : « J’ai une femme, un fils et mes parents qui habitent en Russie. Si j’ai le statut de réfugié politique, je ne pourrai plus retourner là-bas, pas tant que ce sera le même régime ». Grâce à des amis communs, ils trouvent l’aide de Rita, une Ukrainienne qui a fui Kiev et la guerre il y a quelques mois. Elle refusait que Jenia et Oleg puissent « mourir dans la rue en décembre, juste parce qu’ils sont contre la guerre ». Officiellement, Jenia, Oleg et Rita sont ennemis. « Je ne dois pas aider des artistes russes », rappelle-t-elle : « Peut-être que je serais crucifiée pour ça par des patriotes ! Mais pour moi, c’est ça être humain ». Très frileuses sur le sujet, la France et l’Union Européenne n’ont jamais tranché officiellement sur la question de l’accueil des immigrés russes opposés à la guerre. Pendant ce temps, sur le front, Vladimir Poutine grossit les rangs. Ce 12 décembre, une ONG russe alertait sur une rafle à Moscou de Russes contraints de partir à la guerre.

Laurie-Anne Toulemont

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