Gazoducs Nord Stream : Les fuites de méthane, une catastrophe climatique qui ne fait que commencer

Danish Defence/UPI/Shutterstock/SIPA

Pendant que les nations se déchirent sur la responsabilité du sabotage des pipelines dans la mer Baltique, c’est la planète qui paie. Les fuites de méthane, un gaz à effet de serre très polluant, vont être colossales et complexes à arrêter.

Entre 100.000 et 300.000 tonnes de méthane pourraient être relâchées dans l’air

Les images du gaz qui remonte à la surface de la mer Baltique entre le Danemark et la Suède sont impressionnantes, avec des nappes bouillonnantes de 200 à 1000 mètres de diamètre. Ces fuites viennent des pipelines sous-marins des gazoducs Nord Stream 1 et 2 qui relient la Russie à l’Allemagne. C’est du sabotage estime l’Union Européenne voire un acte terroriste selon la Russie, qui surenchérit et qui nie toute implication. Bien qu’à l’arrêt, les tuyaux étaient encore pleins de gaz pour maintenir la pression. Il y a encore beaucoup d’inconnues mais l’impact sur le climat sera forcément significatif, affirme Mads Flarup Christensen, membre de l’ONG Greenpeace au Danemark. « Il y a plus de 100.000 tonnes de gaz dans chacun des quatre pipelines, dont trois fuient. Cela pourrait représenter jusqu’à 300.000 tonnes de méthane relâchées dans l’air », assure-t-elle.

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Néanmoins, cette estimation reste encore de l’ordre de la supposition : tout dépend de la taille, de la durée des fuites et du niveau de pression du gaz dans les pipelines. Mais les experts s’accordent tous sur un point : « ces fuites ne vont pas s’arrêter tant que les pipelines ne sont pas complètement vides de gaz », poursuit Mads Flarup Christensen. Il est très difficile d’arrêter une telle fuite selon lui : « c’est trop dangereux à cause du risque d’explosion. Les pipelines peuvent être réparés, mais probablement pas tant qu’il y a encore du gaz dedans ».

Le méthane a un effet de serre 80 fois supérieur au CO2

Le gouvernement danois a d’ores et déjà annoncé qu’il ne pourra pas envoyer des équipes sur place avant une à deux semaines. En attendant, le gaz s’échappe : une infime partie du méthane peut certes être absorbée par des bactéries de l’océan avant qu’il ne remonte à la surface, note Philippe Ciais du Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement. « Mais étant donné la taille des fuites, il est raisonnable de penser que la grande partie du méthane émis sous l’eau sera rejetée dans l’atmosphère », explique-t-il. Il table plutôt sur un bilan provisoire de 100.000 plutôt que 300.000 tonnes relâchées dans l’air, soit l’équivalent de 10 à 20 millions de tonnes de CO2. « Sur un an, c’est comparable à toutes les émissions de CO2 de l’agglomération parisienne ou celles d’une centrale électrique à charbon », compare-t-il. Les répercussions de ces fuites seront de longue durée. Même si le méthane se dégrade plus rapidement dans l’atmosphère que le CO2, ses effets seront catastrophiques pendant les 20 premières années. « Le méthane a un effet de serre 80 fois supérieur au CO2″, rappelle Anna-Lena Rebaud de l’ONG Les Amis de la Terre. Selon elle, de telles fuites sont courantes dans l’industrie, « dans toute la chaîne d’approvisionnement, du stockage à la livraison ». Ces fuites industrielles représentent la moitié des émissions de méthane dans le monde. Ce gaz est responsable à lui seul de 20% du réchauffement climatique sur les 200 dernières années.

Laurie-Anne Toulemont

 

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