Réchauffement climatique : De gigantesques fuites de méthane repérées depuis l’espace !

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C’est une pollution dont l’ampleur était sous-estimée jusque-là, qui a surpris les scientifiques. Des chercheurs français viennent de découvrir, depuis l’espace, d’énormes fuites de méthane issues de l’industrie gazière et pétrolière.

Sur les 1 800 fuites, 1 200 sont issues de l’exploitation gazière et pétrolière

Ces chercheurs ont analysé les milliers de données fournies par l’entreprise française Kayrros. Des milliers d’images prises quotidiennement pendant deux ans par un satellite européen et qui dévoilent d’immenses panaches de méthane. Selon Thomas Lauvaux, chercheur au laboratoire des sciences du climat et de l’environnement, co-auteur de cette étude explique que « ce satellite nous a permis d’avoir une couverture globale avec des images très intéressantes. Grâce à ces détections, on a pu faire un inventaire que l’on n’imaginait pas aussi grand ni aussi systématique. C’est la grande surprise de l’étude. Sur tous les bassins gaziers et pétroliers on retrouve ces fuites très larges ».

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1 800 fuites de méthane ont été repérées. Des fuites très importantes selon Philippe Ciais, autre auteur de l’étude, directeur de recherche lui aussi au laboratoire des sciences du climat et de l’environnement : « les fuites sont d’une taille qui est gigantesque puisque l’on parle de taux d’émission de 20 à 25 tonnes de méthane par heure au minimum. Cela représente des panaches de méthane qui s’étalent parfois sur une distance de 300 ou 400 km ». Grâce à des modèles météorologiques, les chercheurs ont pu retracer le parcours de ces panaches de méthane. Et sur les 1 800 fuites, 1 200 sont issues de l’exploitation gazière et pétrolière. Bien souvent ce ne sont pas des fuites accidentelles pendant le transport du gaz par exemple, mais bien des fuites intentionnelles selon Thomas Lauvaux : « les équipes techniques qui sont au sol et qui doivent procéder à la réparation d’un compresseur par exemple, doivent ouvrir les vannes. Cela paraît naturel puisqu’il en va de la sécurité des agents au sol. Mais on tombe dans le domaine de la maintenance et non pas dans la fuite accidentelle de gaz ».

COP26 : Plus de 100 pays se sont engagés à réduire leurs émissions de méthane de 30% d’ici 2030

Avec un impact sur le climat majeur, ces 1 800 fuites sont comparables aux rejets de CO2 d’un pays comme les Pays-Bas depuis le début de l’ère industrielle ou de la circulation de 20 millions de voitures par an. Car le méthane est un gaz à effet de serre très puissant, son pouvoir de réchauffement est 30 fois plus important que le CO2 sur un siècle et même 80 fois plus important sur 20 ans. Et encore, ces résultats et ces 1 800 fuites, ne sont que la partie émergée de l’iceberg : « on sait que l’on en a loupé énormément car les nuages nous empêchent de voir. On est aussi très limités dans les hautes latitudes par exemple, les gisements au Canada ou dans la haute Sibérie, nous étaient invisibles. On a donc un chiffre qui est en dessous de la réalité » affirme Thomas Lauvaux.

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Les solutions existent, elles sont déjà disponibles pour éviter ou colmater ces fuites : « on peut mettre en place des dérivations pour que le gaz passe en dehors d’une conduite pendant que l’on répare. Ces pratiques pourraient tout à fait être mises en place puisque c’est déjà le cas dans certains pays et certains endroits. Par exemple en Arabie Saoudite ou au Koweït les fuites sont minimes comparées à celles des Etats-Unis, de la Russie ou de l’Algérie ». Les chercheurs ont calculé que ces mesures, bien que coûteuses, permettraient en réalité d’économiser des milliards de dollars chaque année. Lors de la COP26 à Glasgow en novembre dernier, plus de cent pays se sont engagés à réduire leurs émissions de méthane de 30% d’ici 2030, mais il manque la Chine ou la Russie.

Baptiste Gaborit 

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