Environnement : Face à l’activité humaine, cette espèce de crapaud se reproduit beaucoup plus pour survivre

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Une étude du CNRS révèle une stratégie de survie inédite chez une espèce de crapaud pour faire face aux activités humaines dans son habitat. Le « sonneur à ventre jaune » se reproduit plus jeune et plus fréquemment pour compenser la surmortalité provoquée par l’Homme.

Dans les habitats humains, où la longévité est réduite, cette espèce de crapaud se reproduit plus fréquemment et plus jeune

Près de trente ans de recherche, une soixante de chercheurs impliqués dans 7 pays d’Europe : c’est l’envergure de la nouvelle étude exceptionnelle du Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Une espèce de crapaud appelée le « sonneur à ventre jaune » a attiré l’attention des chercheurs. Sur son ventre, il y a des tâches jaunes et noires qui sont propres à chaque individu, comme une empreinte digitale qui permet un suivi sur le long terme. Des Pays-Bas à la Belgique en passant par l’Autriche, la France et l’Italie, le CNRS a étudié 21 000 sonneurs à ventre jaune, « un petit crapaud d’à peine 5 centimètres, qui peut vivre très longtemps : le record est de 27 ans », explique Jean-Paul Léna, maître de conférences à l’Université Claude Bernard – Lyon 1.

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Mais les choses sont bien différentes pour l’animal quand l’être humain marque le territoire, là où les engins ratissent les forêts, creusent les carrières, détournent les cours d’eau ou détruisent les marais. « La longévité moyenne dans les habitats anthropisés [colonisés par l’homme] est de 6 ans mais dans les milieux naturels, elle est de 12 ans », détaille le chercheur au CNRS Hugo Cayuela, qui a piloté cette étude. Dans ces conditions, les sonneurs à ventre jaune meurent et vieillissent plus vite. En revanche, ils se reproduisent beaucoup plus : ce phénomène s’appelle « le recrutement compensatoire ». Pour compenser la surmortalité, les crapauds vont « recruter » des adultes avec une reproduction massive. « Ce phénomène est 93% plus élevé dans les habitats anthropisés que dans les habitats naturels. Les femelles se reproduisent plus chaque année et aussi plus jeunes », poursuit le chercheur.

La résilience de cette espèce de crapaud est remarquable, mais cet effort semble vain face au dérèglement climatique

Ce mécanisme de survie, rarement observé, n’avait été jusqu’à présent remarqué chez les animaux qu’en cas de maladies particulièrement graves. C’est par exemple le cas chez le diable de Tasmanie touché par la « tumeur faciale » ou chez le blaireau d’Amérique souffrant de tuberculose bovine, indique Hugo Cayuela. « Ce mécanisme n’était jusqu’alors pas connu comme une réponse à l’intensification des activités humaines ». La résilience est remarquable, mais cet effort de survie semble pourtant vain face au dérèglement climatique. « Les périodes de sécheresse sont fatales pour ces crapauds, très dépendants des zones où il y a beaucoup d’eau. Les zones de refuge risquent de se réduire », rappelle Jean-Paul Léna de l’Université Lyon 1. Malgré ce « recrutement compensatoire » et le classement du sonneur à ventre jaune comme espèce protégée, l’étude montre effectivement que 45% des populations observées sont en déclin en Europe.

Laurie-Anne Toulemont

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