Brésil : Pourquoi la déforestation de l’Amazonie s’accélère avant l’élection présidentielle

Anderson Riedel/PR

Un quart de la forêt amazonienne est irréversiblement détruit, selon un rapport présenté par des leaders indigènes. Au Brésil, les feux se multiplient ces dernières semaines, peu avant l’élection présidentielle du 2 octobre où le président Bolsonaro, partisan de la déforestation, pourrait perdre.

Les éleveurs brûlent les arbres de l’Amazonie pour nettoyer les parcelles et les réaménager en pâturage ou en grandes cultures

Sur les premiers jours du mois de septembre, il y a eu plus de 12 000 nouveaux foyers d’incendies en Amazonie brésilienne. C’est plus de 70% du chiffre enregistré pour le mois de septembre complet de l’an dernier. En août déjà, le nombre de feux de forêt avait atteint un record depuis 2010. « On est dans la saison des incendies, et s’il est encore dur de juger, car la temporalité de ces incendies varie d’année en année, la tendance est bien sûr inquiétante », indique François-Michel Le Tourneau, directeur de recherche au CNRS et géographe spécialiste de l’Amazonie.
Ces feux sont d’origine humaine, majoritairement de déforestation : « les éleveurs abattent les arbres, les laissent sécher au soleil plusieurs semaines avant d’y mettre le feu », explique Erika Berenguer, chercheuse brésilienne à l’université d’Oxford. Ces incendies servent à nettoyer les parcelles, utilisées ensuite pour du pâturage ou en grandes cultures. Un phénomène qui se multiplie en ce moment en raison de l’élection présidentielle prévue le 2 octobre. « Les électeurs ne savent pas s’ils pourront continuer à déforester si Lula gagne [donné gagnant dans les sondages] », confirme François-Michel Le Tourneau. « Il y a une peur que de nouvelles lois soient mises en place pour arrêter ces crimes environnementaux ».

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Déforester tant qu’on peut : c’est l’état d’esprit de beaucoup d’éleveurs, encouragés par la politique mise en place par l’actuel président brésilien Jair Bolsonaro. « Il a fait en sorte que les lois environnementales soient le moins appliquées. Les éleveurs l’ont bien compris, c’est pourquoi la déforestation a quasiment triplé entre le seuil des années 2010 et aujourd’hui », regrette le chercheur. Soit l’équivalent de la moitié de la Belgique recouverte d’arbres qui disparaît en ce moment.

Les leaders indigènes estiment désormais que 26% de l’Amazonie, pas seulement la partie brésilienne, est désormais détruite

Par ailleurs, le budget des agences environnementales a été réduit et des dirigeants ont été licenciés. Les leaders indigènes estiment désormais que 26% de l’Amazonie, pas seulement la partie brésilienne, est désormais détruite – la faute à la déforestation et au narcotrafic. Les indigènes ont été les premiers à « sonner l’alarme », estime le chercheur du CNRS : « Quand on regarde les bordures de territoires amérindiens, on a l’impression que la forêt est coupée en rasoirs. On voit bien la différence entre les zones déforestées et celles préservées par les locaux ».
Dans une étude publiée l’an dernier déjà, des chercheurs estimaient que l’Amazonie émet désormais plus de carbone qu’elle n’en absorbe, le tout dans une indifférence générale, à l’étranger comme au Brésil. Le sort de l’Amazonie n’occupe pas une place centrale dans la campagne électorale, y compris dans celle de Lula.

Baptiste Gaborit

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