Les autochtones brésiliens l’appellent déjà le « jugement du siècle ». La Cour suprême du Brésil a repris le 15 septembre, l’examen d’un jugement sur le droit des indigènes à disposer de leurs terres ancestrales. Les enjeux sont majeurs, y compris pour freiner la déforestation en Amazonie.
Bolsonaro annonce un « chaos » en cas d’expulsion
La Cour suprême doit statuer sur le cas précis d’un peuple amérindien d’un état du sud du Brésil, qui a perdu son statut de réserve indigène en 2009. Le prétexte ? Les indigènes n’étaient pas présents sur ces terres en 1988, année de promulgation de la constitution brésilienne. François-Michel Le Tourneau, directeur de recherche au CNRS, géographe et spécialiste du Brésil affirme que « c’est la Cour suprême qui va juger si oui ou non les Amérindiens étaient bien présents sur ces terres en 1988 ». De nombreuses tribus ont été déplacées manu militari notamment durant la dictature militaire jusqu’en 1985.
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De retour sur leurs terres, elles souhaitent obtenir la protection du statut de réserve accordée par la constitution qui permet de les protéger. Des centaines de réserves, objets de litiges depuis des années, seraient concernées par la décision de la cour suprême. Selon François-Michel Le Tourneau, cela pourrait affecter de nombreux territoires amérindiens. Pas tant ceux déjà délimités, mais tous les autres territoires qui sont revendiqués par les nations amérindiennes. Le président Jair Bolsonaro a déjà prévenu que si la borne temporelle n’était pas reconnue « le chaos » règnerait.
La forêt amazonienne à perdu près de 10 000 km² en 1 an
Appuyées par le puissant lobby brésilien de l’agro négoce, ces terres revendiquées par les indigènes sont pour beaucoup exploitées aujourd’hui. « Il y a déjà de très grands conflits fonciers entre les Amérindiens et les grands propriétaires planteurs de soja qui pourraient directement être impactés par la décision du tribunal », déplore François- Michel Le Tourneau. Le jugement inquiète également les défenseurs de l’environnement. Des réserves actuelles pourraient aussi faire l’objet de litiges avec l’incapacité pour les amérindiens de prouver qu’ils étaient bien présents en 1988. Erika Berenguer, Brésilienne, chercheuse à l’université d’Oxford et spécialiste de l’Amazonie affirme que si les réserves perdent leur protection cela pourrait conduire à des zones complètement déforestées. Les terres protégées des indigènes s’étendent sur 13% du territoire brésilien, soit l’équivalent de 2 fois la France. En 1 an la forêt Amazonienne a perdu près de 10 000 km².
Baptiste Gaborit