Manger ou conduire, il faut choisir. C’est le dilemme débattu aujourd’hui par les eurodéputés qui se penchent sur le bilan carbone des biocarburants – ces carburants issus de matières organiques. Produire des biocarburants nécessite d’importantes surfaces agricoles, mais c’est aussi une solution plus verte que l’essence pour les transports.
Pour produire du bioéthanol, il faut une quantité importante de céréales – l’équivalent de 9 millions de baguettes par jour en Europe
Toute la filière des biocarburants est suspendue aux débats à Strasbourg. Apparu sur le marché en 2006, le bioéthanol n’a plus le vent en poupe. Il est aujourd’hui accusé de participer à la crise alimentaire mondiale, car les céréales utilisées pour le produire finissent dans le moteur plutôt que dans l’assiette. Cela nécessite l’équivalent de 9 millions de baguettes par jour, selon Laura Buffet, directrice du bureau énergie de l’ONG Transport & Environnement. Même problème pour le biodiesel, avec les huiles végétales: « il faut 10 millions de bouteilles d’huile de tournesol et de colza chaque jour pour produire du biodiesel, qui alimente les camions et les voitures en Europe », explique Laura Buffet. Il y a ainsi une compétition entre les usages que peuvent avoir les terres agricoles en Europe. « En dédiant les terres à l’énergie, on est obligé d’étendre la surface agricole destinée à l’alimentation ailleurs dans le monde. Ça provoque une extension agricole et de la déforestation ailleurs », poursuit-t-elle.
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C’est cette déforestation importée qui est justement dans le collimateur du Parlement européen aujourd’hui. Les eurodéputés blâment surtout l’huile de palme et le soja. C’est un faux procès car en France, on a déjà « supprimé » ces deux ressources via des dispositifs d’incitation, plaide le secrétaire général du Syndicat National des Producteurs d’Alcool Agricole (SNPAA) Sylvain Demoures : « l’éthanol produit de l’alimentation animale riche en protéines pour remplacer des tourteaux de soja importés. Et cette alimentation animale, au bout du compte, se retrouve dans notre assiette ».
« Aujourd’hui on remplace 8% de l’essence par de l’éthanol et le bioéthanol d’Europe représente 77% de réduction de gaz à effet de serre »
Etude contre étude, rapport contre rapport : c’est la guerre des chiffres entre les ONG et la filière. Cette dernière veut prouver que le bioéthanol a de l’avenir et correspond aux objectifs de réduction de CO2 de l’Union européenne. C’est même un enjeu de souveraineté énergétique, avance Sylvain Demoures. « Aujourd’hui on remplace 8% de l’essence par de l’éthanol. Le bioéthanol produit en Europe représente 77% de réduction de gaz à effet de serre par rapport à l’essence. En 2040, ce sera plus de 90% de réduction pour l’éthanol produit en France ». Le verdict tombera demain pour les biocarburants. Le vote en session plénière pourrait marquer un tournant dans les autres négociations qui ont lieu en ce moment entre Strasbourg et Bruxelles. Le Parlement, le Conseil et la Commission européenne débattent de l’interdiction des véhicules thermiques en 2035 : là aussi, l’avenir des biocarburants est en jeu.
Laurie-Anne Toulemont