ALBENIZ Isaac

(1860-1909) Epoque moderne

Albéniz s’impose comme le compositeur espagnol le plus charismatique de la fin du XIXème siècle, aux côtés de Granados et Falla. Ses talents d’improvisateur et une certaine nonchalance de caractère s’allient à la musique folklorique de son pays, dans laquelle il puise son inspiration. La variété de ses rythmes et de ses modes de jeu influencera jusqu’à Olivier Messiaen. Si Albéniz ne composa jamais une note pour la guitare, les guitaristes ont été les premiers à transcrire sa musique, à commencer par « Asturias », écrite à l’origine pour le piano.

Isaac Albéniz en 10 dates :

  • 1860 : Naissance à Camprodon (Province de Gérone, Espagne)
  • 1867 : Se rend à Paris pour suivre des cours auprès d’Antoine-François Marmontel
  • 1872 à 1874 : Parcourt la côte Atlantique américaine, de Rio à New York
  • 1880 : Rencontre Franz Liszt à Budapest
  • 1883 : Se fixe à Barcelone. Y épouse une ancienne élève, Rosina Jordana, et rencontre le musicologue Felipe Pedrell
  • 1887 : Suite espagnole pour piano comprenant la célèbre « Asturias »
  • 1892 à 1898 : suite pour piano Chants d’Espagne
  • 1893 : S’installe à Paris
  • 1905 à 1908 : suite pour piano Iberia
  • 1909 : Mort à Cambo-les-Bains

 

Enfant prodige, Isaac Albéniz donne son premier récital de piano à l’âge de quatre ans

Natif de Camprodon, dans la province de Gérone, Isaac Albéniz n’a pas un an quand sa famille s’installe à Barcelone. Ses dons musicaux extrêmement précoces suscitent la stupéfaction autour de lui, à telle enseigne qu’il se produit en public au Théâtre Romea dès ses quatre ans. On ne saura probablement jamais la teneur exacte du programme – d’une grande difficulté pour un pianiste de son âge -, mais cet épisode marque le début de sa geste légendaire. Fort de ses premières leçons reçues auprès de Narciso Oliveras, Isaac se rend à Paris, flanqué de sa mère et de sa sœur, afin de suivre l’enseignement de Marmontel. Sa prestation brillantissime à l’examen d’entrée au Conservatoire de Paris n’en pourra mais : son extrême jeunesse et son manque de maturité convainquent le jury de différer de deux ans son admission. Cela signifie pour lui le retour au pays natal, où il se voit obligé d’assurer plusieurs tournées de concerts dans le nord de l’Espagne. Voici la famille installée à Madrid, et celui que les critiques surnomment « le jeune Mozart revenu sur terre » s’inscrit au Conservatoire pour étudier le piano avec Manuel Mendizabal. La lecture de Jules Verne et sa soif d’aventure le décident à partir clandestinement de Cadix à bord de l’España, bateau en partance pour Puerto Rico. Durant la traversée, Albéniz joue du piano pour le plus grand plaisir des passagers, auprès desquels il recueille l’argent de son voyage.

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Rencontrer Liszt, c’est le rêve d’Albeniz. Il le réalise après deux ans passés aux Amériques.

Ses débuts de l’autre côté de l’Atlantique sont très difficiles. Il doit parfois coucher à la belle étoile. Dans ce continent inconnu, il vit pauvrement et dans l’anonymat jusqu’à ce qu’il réussisse à donner des concerts en Argentine, en Uruguay, au Brésil et à Cuba. Résolu à regagner la vieille Europe après ces deux années d’aventure, il réalise l’un de ses rêves les plus chers peu après son dix-huitième anniversaire : se rendre à Budapest pour y recevoir l’enseignement de Franz Liszt. Il semble qu’Albéniz ait suivi le compositeur de la Faust-Symphonie dans ses voyages à Weimar et en Italie avec d’autres musiciens. Après ce séjour lisztien, il rentre en Espagne, y exerce son activité de concertiste tout en songeant un temps à entrer dans les ordres. A Barcelone, le musicologue Felipe Pedrell lui ouvre le trésor de la musique populaire espagnole. Si les premières œuvres qu’il couche sur le papier trahissent l’influence de Mendelssohn et Liszt, son tempérament généreux éclate définitivement dans les différentes pièces de la Suite espagnole, d’une spontanéité mélodique jamais tarie, par lesquelles Albéniz fonde l’école espagnole en s’inspirant des rythmes et des thèmes populaires. Au moyen de modes de jeu caractéristiques (cf. la célèbre  Asturias), le clavier est appréhendé comme une guitare… ce qui amènerait le non connaisseur à supposer qu’il s’agit de morceaux de guitare transcrits pour piano !

« Asturias », extrait de laSuite espagnole (Luis Fernando Pérez , piano)

 

En composant Iberia, Albéniz a choisi le complexe et le subtil, au-delà du pittoresque de certains passages

Installé à Londres de 1890 à 1893, Albéniz s’essaye avec succès à l’art lyrique (Pepita Jiménez) avant de se fixer définitivement à Paris où il rencontre les franckistes ainsi que Dukas, Fauré et Debussy. Nommé professeur de piano à la Schola Cantorum, il complète La Vega, superbe évocation de Grenade contemplée depuis les sommets de l’Alhambra, et les Chants d’Espagne. La muse le frappe de plein fouet avec Iberia, suite pour piano dont les quatre cahiers de trois pièces chacun sont composés entre 1906 et 1908. « Musique brillante, lumineuse, généreuse, épanouie » selon Olivier Messiaen, Iberia réalise une synthèse étonnante de l’impressionnisme français, de la virtuosité lisztienne, de l’art de Domenico Scarlatti (usage caractéristique de l’acciaccatura) et celui, ancestral, de son pays (copla, chant flamenco). Il s’en dégage un charme mélodique unique, rehaussé par la somptuosité de l’harmonie. Cet ultime chef-d’œuvre, d’esprit rhapsodique et d’une redoutable difficulté d’exécution, révèle ses traits les plus originaux dans la couleur et la sonorité. A cet égard, il exercera une influence considérable sur la plupart des compositeurs modernes, d’Olivier Messiaen à Karlheinz Stockhausen en passant par Maurice Ohana.

 

Jérémie Bigorie

 

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