Jonas Kaufmann s’est beaucoup investi dans la sauvegarde du monde lyrique, fragilisé par la crise du Covid-19. À l’occasion de la sortie de son nouvel album consacré à Otello, il a confié au Figaro ses interrogations sur la reprise de l’opéra.
Pour Jonas Kaufmann « L’opéra fait partie de l’identité européenne autant que le football ! »
Comme beaucoup de grands artistes lyriques, pendant son confinement, le ténor allemand a mis en ligne des mini-récitals réalisés chez lui devant son ordinateur ou avec l’Opéra d’État de Bavière mais il s’est surtout beaucoup investi pour défendre le secteur lyrique. On l’a vu ainsi soutenir la campagne de dons Saengerhilfe (soutien aux chanteurs) et s’engager auprès de Ludovic Tézier avec lequel il a lancé une pétition pour appeler les dirigeants européens à tout mettre en œuvre pour préserver, et même sauver, un secteur artistique dont le modèle économique est gravement menacé par la crise actuelle.
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À quelques jours de la sortie de son nouvel album consacré à Ottello de Verdi et alors qu’il retrouvera le public à l’occasion de 2 représentations d’Aïda les 28 et 31 juillet en plein air à Naples, Jonas Kaufmann a confié au Figaro qu’il se pose encore beaucoup de questions sur son proche avenir et celui de l’opéra: « Un retour à la normale semble encore éloigné. La grande question est de savoir à quoi ressemblera la rentrée, et devant combien de personnes nous serons en mesure de jouer ». Le ténor allemand qui insiste sur le fait que la crise du coronavirus « aura mis en exergue la fragilité de l’art lyrique, par-delà sa richesse du point de vue culturel » d’où le de la pétition qu’il a lancée Ludovic Tézier « Pour rappeler que l’opéra en particulier et les arts en général sont constitutifs de l’identité culturelle de l’Europe, tout autant que peut l’être le football ! ».
Jonas Kaufmann : « Otello est de loin le personnage le plus intense ! »
L’actualité de Jonas Kaufmann c’est aussi la sortie le 12 juin d’un double CD (Sony Classical) comprenant l’enregistrement complet en studio d’Otello de Giuseppe Verdi. L’enregistrement intégral d’un opéra qu’on entend rarement mais que le chanteur allemand a abordé avec enthousiasme : « Ce type de projet n’existe quasiment plus, car il n’y a presque plus de marché pour ça. Ce sont des projets artistiques de prestige, plus que des projets commerciaux. Le faire avec un orchestre comme l’Academia Santa Cecilia, parfait pour ce répertoire qui est dans leur ADN, et un chef comme Antonio Pappano, c’est une chance extraordinaire » confie-t-il au Figaro.
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Mais surtout pour Jonas Kaufmann cet enregistrement a été l’occasion d’endosser un rôle emblématique dans l’histoire de l’opéra : « C’est un personnage tout à fait unique par la charge émotionnelle qui s’en dégage. La difficulté, ici, ne tient ni à l’amplitude du rôle, ni à sa longueur, ni même à sa puissance vocale. Elle réside dans le drame intérieur qui se joue en Otello, peu à peu rongé par le doute, la jalousie, la folie et la haine (…) il est loin d’être le seul personnage antipathique que vous puissiez rencontrer dans une carrière d’opéra. Mais c’est de loin le plus intense ! ».
Philippe Gault