La Première ministre Elisabeth Borne présentera ce mardi 10 janvier la réforme des retraites, avec le report de l’âge légal à 64 ans, selon toute vraisemblance. Laurent Berger, le leader de la CFDT ne décolère pas. C’est un épisode de plus dans la relation Macron-Berger, l’histoire d’un éternel rendez-vous manqué.
Le style d’Emmanuel Macron déplaît à Laurent Berger
Si les choses n’étaient pas encore assez claires pour certains, Laurent Berger les a rendues limpides dans Le Parisien : « Il n’y aura pas de deal avec la CFDT ». Il n’y a aucune perspective d’adoucissement, au contraire, ce sont les menaces de débrayage que brandit le leader supposé être réformiste. Toutes les tentatives de dialogue auront été vaines. C’est parce que le désaccord sur l’âge légal est insurmontable, mais l’histoire personnelle entre Emmanuel Macron et Laurent Berger n’a pas aidé. Ils ne parlent pas la même langue, et leur passé n’a pas forgé une relation de confiance, au contraire ! Une scène en dit long, elle date du mois de septembre lors du lancement du CNR à Marcoussis. A l’heure du déjeuner, Emmanuel Macron et Laurent Berger sont à la même table, ce qui ne doit bien sûr rien au hasard.
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Un témoin rapporte un bref échange alors qu’on sert l’entrée. Le leader de la CFDT prévient : « nous ne soutiendrons jamais une réforme qui reporte l’âge légal ». Réponse : « c’est pourtant indispensable ». « Pendant tout le reste du déjeuner, ils n’avaient plus rien à se dire » témoigne notre source. Cette « bonne ambiance » remonte au quinquennat Hollande. D’abord comme Secrétaire général adjoint de l’Elysée puis comme ministre de l’Economie, l’agenda et le style de Macron déplaisent à Berger.
Macron reproche à Hollande d’avoir toléré une forme de co-gestion avec la CFDT
Le travail du dimanche, la loi Travail sont perçus comme des chiffons rouges parmi d’autres, agités devant les yeux du syndicaliste. Puis entre 2017 et aujourd’hui, la défiance s’installe. Laurent Berger se sent trahi lorsqu’Edouard Philippe rajoute l’âge pivot et donc une dimension budgétaire dans une réforme des retraites que la CFDT soutenait pourtant jusque-là. Quant à Emmanuel Macron, il s’exaspère du comportement du leader syndical comme en témoigne l’un de ses fidèles auprès de Pauline Théveniaud dans Le Parisien : « Le président considère que Berger agit trop comme un politique et que les syndicats ne remplissent plus leur rôle ».
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Macron reproche à Hollande d’avoir toléré une forme de co-gestion avec la CFDT, méthode avec laquelle il rompt radicalement dès 2017, entraînant chez Berger frustration et surtout inquiétude. Une perte d’influence terrible alors même que l’autorité des centrales sur leur base commençait doucement mais sûrement à s’éroder. Aujourd’hui elle semble avoir complètement disparu. Une plaie sur laquelle Emmanuel Macron ne manque d’ailleurs pas de mettre du sel : lors de la grève des contrôleurs SNCF à Noël, les syndicats sont débordés, et le président cogne en Conseil des ministres : « Plus personne ne tient aucune troupe ! » . Bref, manions l’euphémisme : les deux hommes n’ont jamais été complices. Ils ne le deviendront pas dans les prochaines semaines.
David Doukhan