Retraites : Les 65 ans ne sont « pas un totem », le repli tactique mais maladroit d’Elisabeth Borne

Aurelien Morissard/POOL/SIPA

Les 65 ans, ce n’est pas un « totem » a déclaré hier Elisabeth Borne. C’est clairement un repli tactique à quelques jours de la présentation de la réforme des retraites le 10 janvier. Pour autant, on a du mal à en suivre la logique.

Avec cette sortie, Elisabeth Borne est perdante sur tous les tableaux

Elisabeth Borne continue de recevoir les partenaires sociaux et les formations politiques dans l’espoir, même ténu, sinon d’aboutir à un accord, du moins de limiter les désaccords. Et tout cela, bien sûr pour contenir la contestation. Donc dire que l’âge n’est pas un totem, c’est un message envoyé à ces acteurs politiques et sociaux pour leur dire : il y a encore du grain à moudre. Il y a très peu de chance, voire aucune, qu’il saisissent cette main tendue. Pour les syndicats – sans même parler de ceux qui ne veulent pas envisager la moindre discussion – les réformistes, comme on dit, comme la CFDT de Laurent Berger, répètent, martèlent sur tous les tons que tout report de l’âge de départ, c’est non. La question ce n’est même pas 65 ou 64, ni même 63 ; c’est un niet absolu et irréfragable. Pourquoi alors cette tentative ultime de la part de la Première ministre ?

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Je pense qu’Elisabeth Borne est perdante sur tous les tableaux. Proposer une fois encore de discuter de l’âge à des syndicats qui ont dit sur tous les tons qu’ils ne voulaient pas en entendre parler, d’une certaine manière, c’est se moquer d’eux. En feignant de croire : « si, si, vous allez voir, ils vont finir par discuter ». C’est ensuite l’assurance de se retrouver bête après un nouveau refus. A moins que ce soit ça le calcul secret du gouvernement, de s’adresser non pas aux partenaires sociaux mais à l’opinion pour lui dire : « voyez, nous on a été dans l’ouverture jusqu’au bout ; eux, les syndicats, ont été dans la fermeture jusqu’au bout ». Mais je ne suis pas sûr que cela suffise à rendre la réforme des retraites populaire.

 

Le meilleur carburant de la mobilisation, c’est la volonté de concession du gouvernement

A défaut de faire baisser la tension, et désarmer en partie la contestation dans la rue, c’est l’inverse qui va se passer. C’est une constante dans l’histoire sociale. Un pouvoir se dit toujours : des signes d’ouverture, des amorces de concession vont faire baisser la contestation. En réalité, c’est au contraire le meilleur carburant de la mobilisation. Regardez les réactions dès hier de la France insoumise, du Rassemblement national ou des Verts. Tous en cœur ils disent : « ah, avant même qu’on descende dans la rue, le gouvernement commence à reculer. Eh bien raison de plus pour y aller, on va pouvoir le faire reculer jusqu’au bout ». Alors on n’en est pas là, et heureusement. Mais à l’aube d’un choc social qui s’annonce rude, toute micro concession est déjà un aveu de faiblesse.

Guillaume Tabard

 

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