Dans un geste d’humiliation, Emmanuel Macron recadre Elisabeth Borne après sa phrase sur le RN « héritier de Pétain »

NICOLAS MESSYASZ/SIPA

En Conseil des ministres, Emmanuel Macron a corrigé les déclarations de sa première ministre, Elisabeth Borne, qui avait présenté le Rassemblement national en « héritier » de Pétain. A-t-il juste voulu la reprendre sur ce point précis ou est une remontrance plus générale et donc plus grave ?

Je crois qu’il faut mesurer le caractère inédit d’une telle sortie. J’ai beau chercher, je n’ai pas le souvenir d’un président de la République qui, en Conseil des ministres, le lieu le plus solennel qui soit, corrige ainsi son Premier ministre, en laissant en tous cas sortir ses propos.

Même Mitterrand ne l’avait pas fait avec Rocard qu’il détestait ; même Sarkozy ne l’avait pas fait avec Fillon qu’il méprisait. Remettre Elisabeth Borne à sa place, devant les ministres qu’elle est censée diriger, c’est de la part d’Emmanuel Macron, un geste d’humiliation.

Elisabeth Borne veut lutter contre le RN en ressortant le vieil épouvantail usé de Pétain

Et ce qui est inquiétant pour elle, c’est que depuis l’épreuve de la réforme des retraites, ce n’est pas la première que le chef de l’Etat prend son contrepied. Elle avait cru faire un geste d’apaisement en promettant de ne plus utiliser le 49.3 ; Macron lui a rappelé qu’il n’était pas très malin de se priver d’une arme constitutionnelle.

Borne a cru pouvoir renvoyer aux calendes grecques le projet de loi immigration, quelques jours plus tard, le président la sommait de reprendre au plus vite les consultations.

Et là elle se hasarde sur le terrain de la lutte contre le RN en ressortant le vieil épouvantail usé de Pétain ; Marcon tient à souligner qu’on ne fait pas reculer le parti de Marine Le Pen avec des arguments moraux. Ça commence à faire beaucoup.

Emmanuel Macron a haussé le ton très fort contre sa Première ministre

Il est clair que la lune de miel, si tant est qu’il y en a eu une entre eux, est bel et bien finie. Jusqu’à quand ça peut tenir ? Il y a deux écoles : ceux qui disent que le terme des fameux cent jours, c’est-à-dire en gros le 14 juillet, est le moment propice à un changement à Matignon.

Et il y a ceux qui font remarquer d’une part qu’aucun remplaçant ne serait une solution miracle et d’autre part qu’il est préférable de laisser passer les inévitables 49.3 sur les budgets, à l’automne, avant de passer à autre chose. J’avoue que j’ai longtemps été sur le second scénario et que je ne croyais pas un renvoi rapide d’Elisabeth Borne. Mais là le ton monte quand même très fort.

Le chef de l’Etat ne s’est pas privé lui-même de jouer sur les amalgames historiques concernant l’extrême-droite

La première ministre ne pouvait pas s’attendre à une telle réaction du chef de l’Etat. Je disais lundi l’erreur à la fois historique, politique et électorale qu’il y avait à vouloir à tout prix renvoyer le RN à de supposées racines petainistes.

Je note que les arguments que je développais sont ceux qu’a repris hier le chef de l’Etat. Pourtant, lui-même même ne s’est pas privé de jouer des amalgames historiques, notamment entre les deux tours des présidentielles.

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Mais par les mots qu’elle a employés, Élisabeth Borne a repris le discours de la gauche sur le RN. Et d’ailleurs, après la remontrance présidentielle, la gauche est montée au créneau pour la défendre.

Ce même week-end, elle a eu aussi des propos étonnants de compréhension à l’égard de ces militants écologistes radicaux qui voulaient empêcher la tenue de l’assemblée générale du groupe Total.

Et finalement, on peut se demander si, sachant que, à court ou moyen terme, ses jours étaient comptés à Matignon, Elisabeth Borne ne se préparerait pas, tout simplement, à tomber à gauche.

Guillaume Tabard

 

 

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