Tetyana Ogarkova, journaliste ukrainienne et responsable à l’Ukraine Crisis Media Center, était l’invitée de la matinale sur Radio Classique. Elle nous partage son quotidien, entre les pannes de courant, les frappes russes et les fêtes qui approchent.
S’il n’y a pas de frappes, 50% du réseau électrique ukrainien fonctionne
Vendredi dernier, une grande partie de la ville de Brovary, en banlieue de Kiev, a été plongée dans le noir pendant 38 heures suite à une frappe russe. « L’obus a atterri sur une installation électrique pas loin de chez nous », témoigne Tetyana Ogarkova, qui y habite. 38 heures « sans rien du tout », ajoute-t-elle, sans eau ni connexion téléphonique. « Ça perturbe tout : on ne peut pas même entendre les alertes aériennes ou recevoir de notifications par téléphone », soupire la journaliste et responsable à l’Ukraine Crisis Media Center. Il y a bien les satellites américains Starlink qui fournissent de l’Internet, mais c’est un service trop cher pour les particuliers, utilisé seulement par l’armée, les bureaux ou les facultés, assure-t-elle. Reste une solution de dernier recours : « tout le monde se met à écouter la radio ».
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Ce genre de coupure est malheureusement fréquente, à raison d’une frappe par semaine selon la journaliste. Mais s’il n’y a pas de frappes poursuit-elle, 50% du réseau électrique fonctionne : « nous passons 4 heures avec de l’électricité puis 4 heures sans ». Lors de la longue coupure, la température de son appartement était descendue à 14 degrés, « pas mortel » selon elle, mais elle craint qu’une situation similaire se produise en janvier, avec des températures extérieures proche de – 10 degrés. Cette situation de crise génère « beaucoup d’entraide » dans la société, relate Tetyana Ogarkova. Quand le courant est rétabli, il va en priorité aux hôpitaux, aux écoles et aux crèches. Dans les immeubles, « tous les ascenseurs » sont équipés d’un kit d’urgence avec de l’eau, des médicaments de la nourriture et même une chaise, en cas de panne.
Les célébrations de Noël auront quand même lieu cette année
Samedi 17 décembre, la mairie de Kiev a installé, comme chaque année, un arbre de Noël illuminé sur la place Sainte-Sophie. Les sociologues recommandent de poursuivre les traditions, insiste-t-elle, par exemple en offrant des « petits cadeaux pas chers » afin de garder le moral. La tradition en Ukraine est de fêter le Noël orthodoxe le 7 janvier, mais cette année, « une moitié d’Ukrainiens font fêter Noël avec les Européens le 24 décembre », affirme Tetyana Ogarkova. La fête de Nouvel an est encore plus importante ici, le moment « où les familles se rassemblent avec des cadeaux ». Avec la guerre, les gens vont sans doute se déplacer plus dans les villages, prévoit-elle. Reste à savoir si les célébrations se feront dans l’obscurité ou non. D’après elle, la population ukrainienne regarde l’année qui vient avec beaucoup d’espoir : « on comprend qu’on a déjà traversé le pire en février ». Elle se satisfait de l’action de l’armée ukrainienne, qui a repoussé à 60% les incursions russes. Quant aux frappes contre les infrastructures civiles, elle les voit comme « un geste de désespoir des Russes ». Le quotidien est très difficile, « mais on se console », ajoute-t-elle.
Clément Kasser