Incendies en Gironde : Le problème des forêts privées mal entretenues

/AP/SIPA

Plus de 3600 hectares de forêts ont été brûlés dans le Médoc en Gironde depuis lundi. Après les méga-feux de cet été, les incendies sévissent toujours dans les forêts du sud-ouest. Pour éviter un été 2023 infernal, il est grand temps de réorganiser la gestion du paysage forestier et de responsabiliser les propriétaires de forêts.

70% des forêts françaises sont privées et un grand nombre de leurs propriétaires ne s’en occupent pas correctement

Particulièrement touchée par les incendies, la Teste-de-Buch, commune du Bassin d’Arcachon, tente de se reconstruire. Le maire de la commune Patrick Davet est reçu aujourd’hui à l’Elysée. Au menu des discussions, il y a la question de la gestion des forêts pour éviter de nouveaux incendies. Il veut réaménager la Forêt usagère de la Teste-de-Buch, détruite à 80% par les flammes. Cependant, elle est un cas unique en France : elle est gérée selon des droits et coutumes qui datent de 1468. A l’époque, le seigneur féodal donna le droit à la population de se procurer librement du bois mort pour se chauffer, comme l’explique Françoise Branger, présidente de l’association « Bassin d’Arcachon Écologie » : « je suis moi-même usagère et tout mon bois vient de là-bas. Avant les incendies, cette forêt était si bien nettoyée qu’on ne trouvait même pas une pomme de pin par terre ».

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500 propriétaires privés y détiennent des parcelles mais ils n’ont pas de devoir de gestion. « Certains ne savent pas qu’ils ont des parcelles, d’autres le savent mais ignorent où », note sarcastiquement Françoise Branger. Un bras de fer s’est engagé avec la mairie, qui veut un pouvoir de police et de gestion sur la forêt. La bataille est aussi juridique : le droit privé est confronté à l’intérêt général. « La question du risque d’incendie est un problème d’aménagement du territoire, pas un problème forestier », rappelle Arnaud Sergent, chercheur en science politique à l’INRAE de Bordeaux. La problématique concerne toute la France : plus de 30% du territoire est recouvert de forêts, dont 70% sont privées. Cela représente 3 millions de propriétaires divers et variés : « il y a des propriétaires particuliers ou institutionnels, comme des banques ou des assurances », explique Arnaud Sergent. La seule contrainte pour un propriétaire particulier est l’interdiction de défricher. Pour le reste, c’est le flou, regrette le chercheur. « Une grande partie des forêts sont délaissées : en dessous de 25 hectares, elles ne sont pas gérées, et c’est pareil depuis quelques années pour les forêts de moins de 4 hectares ».

« En 2050, le risque d’incendie sur la forêt de Fontainebleau sera le même que sur les forêts du sud de la France actuellement »

Coordonner le débroussaillement, contrôler la bonne gestion des parcelles dans un paysage forestier morcelé… Le travail est titanesque et les moyens sont insuffisants. Le problème ne date pas d’hier : avant les incendies de cet été, la question de la forêt avait disparu du champ politique. Pourtant le risque s’accroît et le feu remonte, comme le constate le juriste Daniel Perron, auteur de La forêt française, une histoire politique (éditions de l’Aube). « En 2050, le risque sur la forêt de Fontainebleau sera le même que sur les forêts du sud de la France actuellement ». Le juriste pousse pour un engagement du monde politique sur la question. « A défaut de propriétaires identifiés d’une forêt, on pourrait avoir une agence nationale. Il faudrait aussi un secrétaire d’état à la forêt, ce serait un symbole fort », poursuit-il. L’Elysée et le ministère de l’Agriculture assurent être sur le pont : dès que tous les incendies seront maîtrisés, un bilan sera fait et les chantiers pourront commencer. Il n’y a pas encore de calendrier, mais le gouvernement sait que le temps presse. L’été prochain risque d’être encore plus chaud, sec et brûlant que celui que l’on vient de vivre.

Laurie-Anne Toulemont

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