Crise énergétique : La centrale à charbon de Saint-Avold redémarre dans la précipitation

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C’est une plaie pour l’environnement mais il est difficile de s’en passer en tant de crise. La centrale à charbon de Saint-Avold en Moselle redémarre aujourd’hui pour faire face à la pénurie de gaz. Etant donnée l’ampleur de la crise énergétique, elle pourrait être encore utile dans les années suivantes.

L’arrêt total de la centrale en mars dernier était trop hâtif, selon les employés et les syndicats

Ce matin, Thomas About repasse les portes de la centrale Emile Huchet avec un sentiment mitigé. Employé ici depuis 2009, il retrouve son poste de chef de quart pour 5 mois, après la fermeture de mars dernier. « C’est un retour à la maison éphémère mais nécessaire », commente-t-il. La situation est contradictoire selon lui, alors que beaucoup de ses collègues ont vendu leur maison après la perte de leur emploi. « C’est tellement dommage. Il y avait tout pour justifier une prolongation d’un ou deux ans. C’est l’asphyxie [sur le marché du travail] dans le Grand Est », lâche-t-il. L’arrêt total de la centrale était trop hâtif, abonde Jean-Pierre Damm, syndicaliste à Force Ouvrière. « Il aurait fallu la mettre en réserve, garder des salariés sur place et le redémarrage aurait eu lieu sans problème », affirme-t-il. Au contraire, le recrutement du personnel fut complexe, le réapprovisionnement du charbon s’est fait « à la sauvette » et des travaux ont coûté environ 10 millions d’euros selon lui.

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La chaudière va donc être rallumée et les premiers mégawatts sortiront de nouveau de la centrale d’ici la fin de la semaine. La centrale de Saint-Avold peut répondre à un tiers des besoins énergétiques du Grand Est mais la situation demeure critique. « Si on a un grand coup de froid précoce, il y aura de quoi se faire des soucis », remarque Michel Deshaies, professeur de géographie à l’Université de Lorraine et spécialiste des questions énergétiques. « Même la centrale nucléaire de Cattenom ne nous aidera pas tant, car 3 des 4 réacteurs ne fonctionnent pas », regrette-il. Dans toute la France, la production nucléaire est défaillante avec des réacteurs à l’arrêt. « On a le couteau sous la gorge, la situation est catastrophique et inédite », alerte-t-il.

La centrale de Saint-Avold pourrait encore fonctionner en 2024

Deux fois plus émetteur en CO2 qu’une centrale à gaz, le charbon reste attractif car il est beaucoup moins cher. Quant au prix du gaz, il a été multiplié par dix en un an. Et avec les tensions énergétiques liées à la guerre en Ukraine, la France comme l’Europe vont être encore plus longtemps dépendantes au charbon. La centrale de Saint-Avold pourrait même encore fonctionner en 2024, « en raison de la pénurie de gaz » et ce « même si les centrales nucléaires retournent en activité », reconnaît Nicolas Berghmans de l’IDDRI (Institut du Développement Durable et des Relations Internationales). Le chercheur fait confiance au plan de sortie du gaz russe décidé par l’Union Européenne : « pour l’instant, on fait un détour mais sur le long terme, on garde la perspective de décarbonation ». L’objectif européen est de diminuer de moitié les émissions de CO2 d’ici 2030, ce qui présage la fin, a priori définitive, des centrales à charbon. La centrale de Saint-Avold devrait quant à elle se reconvertir dans l’hydrogène et la biomasse.

Laurie-Anne Toulemont

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