CMA CGM : L’armateur affiche les plus gros bénéfices de l’histoire française

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L’armateur CMA CGM vient d’annoncer des bénéfices de plus de 23 milliards d’euros. Ce sont les plus gros bénéfices de l’histoire française. Comment peut-on atteindre de tels montants ?

 

CMA CGM a redistribué 700 millions de plus en primes et augmentations à ses 150.000 salariés


Sur l’exercice 2022, le champion français du transport maritime a dégagé plus de profits que TotalEnergies, Stellantis, LVMH ou BNP Paribas. Ce n’est pas habituel que les porte-conteneurs rapportent plus que le pétrole, l’automobile, le luxe ou la finance. Mais la France sort d’une année exceptionnelle. L’an dernier, nous étions dans un redémarrage post Covid du commerce mondial. La demande de transport était très supérieure à l’offre. Par conséquent, les prix se sont envolés alors que les coûts dans le maritime sont relativement fixes. Les bénéfices s’envolent quand les bateaux sont pleins et les prix élevés. Mais est-ce qu’il n’y a pas, quand même, quelque chose d’un peu excessif dans de tels profits ?

 

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CMA CGM est un groupe non coté qui peut réinvestir 90% de ses profits dans de nouveaux navires moins polluants et dans des diversifications stratégiques. C’est un groupe qui se renforce et qui a redistribué l’an dernier 700 millions de plus en primes et augmentations à ses 150.000 salariés. Il faut aussi dire que le maritime est une industrie hyper cyclique. Le groupe a perdu de l’argent tous les trois ans. Cette année, le fuel va rester à des tarifs élevés, la demande en transport – qui connaissait un pic – va se réduire, et l’équilibre offre demande va devenir moins favorable. Le groupe va sans doute gagner de l’argent en 2023, mais beaucoup moins. Dans les années qui viennent, on sait que beaucoup de nouveaux navires commandés pendant les bonnes années seront livrés et on pourrait, de fait, assister à une guerre des prix redoutables.

 

Depuis 2003, les armateurs bénéficient d’une dérogation

Dans le débat sur les super-profits, certains accusent cependant CMA CGM de bénéficier aussi d’une super niche fiscale. Depuis 2003, les armateurs bénéficient d’une dérogation. Leurs profits ne sont pas taxés à 25% comme pour toutes les entreprises, mais on leur impose une taxe au tonnage. Les armateurs payent donc un impôt lié à leurs capacités de transport. Pour 2022, CMA CGM ne payera que quelques centaines de millions d’impôts. Cette taxe entraîne un manque à gagner de plusieurs milliards d’euros pour le fisc. Mais cet avantage fiscal profite à tous les transporteurs maritimes européens depuis vingt ans. Pour en bénéficier, il faut maintenir au moins un quart de sa flotte sous pavillon européen et il faut que la direction du groupe et des navires soit majoritairement européenne. C’est un impôt forfaitaire que les transporteurs payent même s’ils ne font pas de bénéfices. Cet avantage a été inventé par les Grecs dans les années 50, pour une raison simple : ils voulaient éviter une délocalisation massive de leurs armateurs vers l’Asie. Si l’Europe aujourd’hui a encore des acteurs comme CMA CGM, c’est parce qu’elle bénéficie d’un coup de pouce fiscal. Sinon le groupe serait basé hors d’Europe et cela serait, de nouveau, une perte de souveraineté.

David Barroux

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