CHABRIER Emmanuel

(1841-1894) Epoque romantique

Compositeur et fonctionnaire, Emmanuel Chabrier aura joué tout au long de sa carrière de l’éclectisme des situations. Une diversité qui marque sa musique, tantôt comique ou grave, légère ou dramatique. Moins connue que celle de ses contemporains, la musique de Chabrier reste pourtant une pièce maîtresse de la seconde moitié du XIXe siècle.

Emmanuel Chabrier en 10 dates :

  • 1841 : Naissance à Ambert dans le Puy-de-Dôme
  • 1856 : Arrivée à Paris avec ses parents
  • 1861 : Licence de doit, et entrée, comme fonctionnaire, au Ministère de l’Intérieur
  • 1863 : Ecriture de Vaucochard, opéra-bouffe sur un livret de Verlaine
  • 1877 : Création de L’Etoile, opéra-bouffe
  • 1883 : Création de la rhapsodie pour orchestre España, après un séjour de quatre mois en Espagne
  • 1886 : Création au Théâtre de la Monnaie à Bruxelles de Gwendoline, son premier opéra
  • 1887 : Le Roi malgré lui, opéra-comique
  • 1891 : La Bourée fantasque, sa dernière œuvre pour piano, dont il laissera inachevée l’orchestration
  • 1894 : Décès à Paris à l’âge de 53 ans

 

Né en Auvergne, Chabrier apprend le piano grâce à des émigrés espagnols

C’est au pied des Monts du Forez,  à Ambert, sous-préfecture du Puy-de-Dôme, réputée des amateurs de fromage pour sa fourme, que naît le 18 janvier 1841 Emmanuel Chabrier. Sa famille, implantée dans la région depuis plusieurs générations, appartient à la bourgeoisie auvergnate. Son père est un brillant avocat, et à six ans le jeune Emmanuel commence l’étude du piano. Il a pour professeurs, deux pianistes espagnols installés à Ambert qui accueille au milieu du XIXe plusieurs vagues de réfugiés, auprès desquels le père d’Emmanuel apprend d’ailleurs l’espagnol. Et c’est ainsi que l’Espagne entre dans l’univers de Chabrier, qui la mettra en musique quelques décennies plus tard. Pour l’heure, la famille Chabrier déménage en 1852 à Clermont-Ferrand où Emmanuel étudie cette fois le violoncelle. La vie clermontoise, durant laquelle il écrira et fera publier une polka mazurka arabe intitulée Aïka, ne durera que 4 ans,  puisqu’en 1856 ses parents s’installent à Paris où Emmanuel est inscrit au lycée Saint-Louis.

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Fonctionnaire le jour et artiste la nuit, Chabrier se lie avec les Impressionnistes et les Parnassiens

Décrit comme un élève plein de joie de vivre et à l’humour volontiers bouffon, qu’il exercera dans le choix des titres de certaines de ses œuvres, Chabrier continue ses études musicales : le piano et aussi l’écriture. Peu à peu une vocation de compositeur se confirme. Mais Emmanuel va suivre, sans révolte, la tradition familiale en poursuivant des études de droit qui le conduisent au Ministère de l’Intérieur. Il y entre, licence en poche, à l’âge de 21 ans, en 1861. Il y restera 19 ans, jusqu’en 1880.

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Ce poste de fonctionnaire ne l’empêche pas d’être l’un des acteurs de la vie artistique parisienne. Il fréquente par exemple la maison d’édition d’Alphonse Lemerre au passage Choiseul dans le 2ème arrondissement. C’est le rendez-vous des grandes figures du mouvement poétique parnassien.  Il y croise Villiers de l’Isle Adam ou encore Paul Verlaine. Ce dernier va d’ailleurs lui écrire deux livrets d’opéras bouffes, Vaucochard en 1863 et Fisch-Ton-Kan en 1965, dont il ne terminera jamais les compositions. Les Parnassiens lui inspirent également des mélodies. Parallèlement aux poètes, Chabrier se lie aux peintres impressionnistes Manet et Degas. Ce dernier va d’ailleurs le représenter dans son célèbre tableau L’Orchestre de l’Opéra. Quant à Manet il peindra à deux reprises le portrait de Chabrier, qui se montre aussi un collectionneur éclairé et averti de cette école impressionniste dont les œuvres ornent son appartement.

 

Chabrier découvre Wagner à Munich : sa vie en est bouleversée

Chabrier est toujours au ministère de l’Intérieur quand est créé son opéra-bouffe L’Etoile, le 28 novembre 1877. L’accueil est mitigé, la partition semblant trop complexe pour ce genre musical. Ce demi-échec ne décourage pas Chabrier. Au contraire, plus que jamais il se sent mûr pour l’opéra. C’est ainsi que deux ans plus tard il se lance dans l’écriture de Gwendoline, même s’il faudra attendre 9 ans pour que naisse son premier opéra sérieux dans lequel certains critiques de l’époque y verront l’influence de Wagner. Car Chabrier vient de ressentir le choc de sa vie. Au cours d’un séjour à Munich en compagnie d’Henri Duparc, il entend Wagner pour la première fois, en l’occurrence Tristan et Isolde. Désormais il en est convaincu, la composition est sa vie, et il démissionne dans la foulée de son poste de fonctionnaire.

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Un voyage en Espagne avec sa femme donnera naissance à l’un de ses chefs-d’œuvre: España

Chabrier va profiter de son nouvel état pour voyager, et à l’automne de 1982 il part avec sa femme en Andalousie. Le couple va y séjourner quatre mois. Il est séduit par les paysages et le mode de vie de ses habitants, mais aussi par les rythmes et les mélodies des musiques entendues sur place. Pour Chabrier, c’est une véritable émotion, un éblouissement, peut-être équivalent à ce qu’il avait ressenti à Munich. Et de retour en France il écrit sa première œuvre strictement orchestrale, España, créée le 4 décembre 1884. C’est un triomphe, le public découvre ce compositeur resté jusqu’à présent confidentiel. Chabrier a-t-il eu le triomphe modeste, ou a-t-il fait preuve d’ironie lorsqu’il dit d’España qu’elle n’était «qu’une pièce en fa, et rien de plus». Le plus beau compliment vient peut-être de Manuel de Falla : «Aucun espagnol n’a su rendre avec autant de génie et de vérité la diversité de la jota, telle qu’elle est chantée par les paysans aragonais».

 La Rhapsodie pour orchestre España (BBC Symphony Orchestra, dir. Leonard Slatkin)

 

Avec España, Chabrier montre avec éclat son sens de l’harmonie, du rythme et des couleurs ainsi que ses talents d’orchestrateur. Au travers de ses œuvres pour le piano, il a aussi exploré une nouvelle façon d’écrire pour cet instrument, comme le prouveront par exemple Trois Valses romantiques en 1883 ou encore La Bourrée fantasque en 1891, l’une de ses dernières pièces, écrite alors que la maladie, une affection syphilitique, le ronge déjà. Durant les dernières années de sa vie il composa deux œuvres lyriques, témoins de la diversité de son talent : Le Roi malgré lui, opéra comique en 1890 et un opéra sérieux Briséis qui restera  inachevé. Chabrier aura été un compositeur aux multiples facettes, et ses influences se feront sentir chez des personnalités aussi différentes que Fauré, Richard Strauss, Messager ou encore Satie, Debussy, Ravel ou encore Milhaud et Poulenc.

 

Jean-Michel Dhuez

 

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