Dans les colonnes de l’hebdomadaire L’Express, Edouard Philippe dénonce une « immigration du fait accompli ». Que veut dire l’ancien premier ministre ? Il s’empare de cette question alors qu’on oppose souvent immigration « choisie » et immigration « subie ».
On assiste à une offensive forte et, pour tout dire, inattendue, d’Edouard Philippe sur la question de l’immigration. On ne l’attendait pas forcément sur ce terrain. On se souvient que son ancien mentor Alain Juppé s’était fait le chantre de « l’identité heureuse ».
A l’époque, ça n’avait pas été compris et son dauphin avait jusqu’à présent fait preuve d’une relative prudence. On oppose souvent immigration « choisie » et immigration « subie ».
Edouard Philippe veut remettre en cause l’accord de 68 avec l’Algérie
Parler d’immigration du « fait accompli » va encore plus loin et le président d’Horizons le dit clairement : il veut s’attaquer aux « non-dits » en matière d’immigration. Et parmi ces non-dits, il y a l’islam devenu pour les Français « un sujet central, un sujet inquiétant, un sujet obsédant », ce sont ses mots.
Autre phrase forte dans L’Express : « refuser les postures ne veut pas dire refuser certaines ruptures quand elles sont nécessaires ». Et parmi ces ruptures, il y en a une avec l’Algérie.
C’est sans doute le point le plus marquant dans son interview : Edouard Philippe veut remettre en cause l’accord de 1968 conclu avec l’Algérie. Cet accord, conclu dans le prolongement de l’indépendance, accorde tout simplement aux ressortissants algériens un statut dérogatoire au droit commun qui s’applique aux étrangers en France.
Les opposants d’Edouard Philippe lui reprocheront certainement de n’avoir rien dit quand il était à Matignon
Autant dire qu’il n’y a aucun moyen de contrôle des flux en provenance d’Algérie dont les ressortissants sont pourtant les plus nombreux en France, près de 900.000.
"Cette augmentation rapide du nombre d’étrangers en France participe à l’embolie de beaucoup de nos services publics"
🔴 @EPhilippe_LH : immigration "subie", Algérie, délinquance… "On crève des non-dits"https://t.co/o0SzACJKHq par @chaulet_paul, @laurelinedup & @ericmandonnet
— L'Express (@LEXPRESS) June 5, 2023
Le maire du Havre n’est pas le premier à soulever ce sujet. LR, le RN ou Reconquête le font depuis longtemps. Et un de nos anciens ambassadeurs sur place, Xavier Driencourt, vient de faire une note très détaillée pour la Fondapol dans laquelle il démontre que rien ne sera possible pour réguler l’immigration algérienne tant qu’on ne sera pas revenu sur cet accord de 1968.
Mais c’est la première fois que c’est reconnu par une personnalité de la macronie. C’est un tournant, même si les adversaires de Philippe auront beau jeu de lui demander pourquoi il n’a pas soulevé ce lièvre quand il était à Matignon.
L’ex premier ministre n’est pas favorable à toutes les mesures défendues par Les Républicains
Cet exemple veut dire en tous cas qu’Edouard Philippe s’est converti à la nécessité d’une politique migratoire très musclée. Il dit soutenir le projet Darmanin tout en le trouvant « insuffisant ». Mais, outre sur l’accord avec l’Algérie, il ne précise pas ce qu’il faudrait faire en plus.
De même il valide le lien entre sécurité et immigration, mais n’en tire pas de conclusions en terme de propositions. Et interrogé sur les mesures défendues par LR, il répond non à tout. Non à la révision constitutionnelle, non au recalibrage de l’AME.
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Il n’empêche que les réactions à droite, c’est plutôt « bienvenue au club » dans la mesure où la charge surprise d’Edouard Philippe est accueillie comme une prise de conscience sur l’immigration. Tardive, mais réelle.