Emmanuel Macron et François Bayrou : Comment la réforme des retraites détériore leur relation singulière

JEANNE ACCORSINI/SIPA

Pour l’inauguration d’un complexe culturel, Emmanuel Macron se rend aujourd’hui à Pau, la ville de François Bayrou. Leur différence d’approche sur la réforme des retraites a refroidi une relation déjà singulière. Et les tensions devraient se multiplier dans les mois à venir.

François Bayrou a réussi à faire bouger Emmanuel Macron au sujet de la réforme des retraites

Les relations entre François Bayrou et Emmanuel Macron sont singulières dans tous les sens du terme. C’est le ralliement du premier qui a permis la victoire du second en 2017. Le patron du Modem a toujours veillé à avoir un contact personnel et direct avec le chef de l’Etat, sans être un allié parmi d’autres autour de la table. Les deux hommes ont une histoire et une culture très différentes mais ils ont une estime mutuelle au-delà du simple partenariat politique sans aller jusqu’à l’amitié. Celui qui est devenu Haut-commissaire au Plan aime, à intervalles réguliers, faire entendre sa propre musique et jouer les Cassandre. Surtout, il veut faire comprendre au chef de l’Etat que ce dernier a besoin, voire ne peut pas se passer de lui, surtout dans ce contexte de majorité relative à l’Assemblée nationale.

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Au sujet de la réforme des retraites, le maire de Pau a réussi à faire bouger Emmanuel Macron : lors du dîner des dirigeants de la majorité mercredi soir, le président a concédé l’ouverture d’une concertation sur les retraites avant un projet de loi présenté à la fin de l’année, à la place de l’amendement prévu en octobre. Cette concession a un peu agacé le chef de l’Etat. Ce dîner, où une bonne dizaine de participants était présent, a été dominé par l’échange – tendu diront certains –  entre les deux hommes. Lorsque François Bayrou a dit que la campagne présidentielle n’avait pas donné un mandat clair pour réformer les retraites, Emmanuel Macron a rétorqué qu’il avait au contraire clairement « pris son risque » – une formule qu’il affectionne – et qu’il avait assumé une réforme forte. La retraite à 65 ans était effectivement une mesure claire et mémorable dans une campagne rapide et floue.

Une dissolution pourrait se retourner contre François Bayrou et les députés Modem

Quand le chef de l’Etat brandit la dissolution, la menace vise aussi François Bayrou. Cette arme politique ne fait pas peur à Jean-Luc Mélenchon et LFI, qui disent « chiche » au président. La menace concerne plutôt LR : si les Républicains bloquent la réforme des retraites, leurs propres électeurs pourraient leur faire payer cher. Or, les députés Modem de François Bayrou ont été élus dans le cadre d’une alliance au sein de la majorité. En cas de censure qui ferait chuter le gouvernement, Emmanuel Macron pourrait faire payer à ce parti le fait de lui avoir compliqué la tâche. Pour l’instant, le chef du Modem convainc qu’il est indispensable au chef de l’Etat pour faire passer ses lois à l’Assemblée. Mais en cas de dissolution, Emmanuel Macron pourrait fatalement prouver à François Bayrou qu’il est lui-même indispensable pour faire élire les députés Modem.

Guillaume Tabard

 

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