« Certains attendaient de l’émotion, mais ce n’est pas sa nature » : Emmanuel Macron vu par son ex-conseiller

Jacques Witt/SIPA

L’ancien conseiller d’Emmanuel Macron Sylvain Fort, désormais passé dans le secteur privé, était l’invité de Guillaume Durand dans la matinale de Radio Classique. Il a livré son analyse de l’allocution d’Emmanuel Macron, décrivant un homme d’une nature fondamentalement rationnelle, qui n’a pas l’habitude de s’épancher.

Est-ce qu’Emmanuel Macron, par cette allocution, peut retrouver une popularité mise à mal par la séquence de la réforme des retraites ?

C’est la conviction du président. Je pense qu’il a misé en réalité hier, non pas sur les contestataires qu’il a évoqués très rapidement au début, mais plutôt sur la majorité silencieuse. C’est sa marque de fabrique : se dire au fond qu’il parle au pays qu’on n’entend pas par ailleurs, à ceux qui ne sont pas dans la rue, qui ne font pas grève, qui ne contestent pas forcément cette réforme. Il parle aussi à ceux qui ont voté pour lui, à ces 28% de Français qui l’ont désigné au premier tour. Ils attendaient d’ailleurs probablement une prise de parole du président

Il a reconnu que des erreurs avaient été faites. Il a assuré que sa porte était ouverte. Mais il semble qu’il manque un certain souffle dans sa prise de parole ?

Au début de son allocution, il évoque la colère qu’il a entendue, et dit que [sa réforme] n’a pas été comprise et qu’il le regrette. C’est presque le maximum d’épanchement auquel il peut arriver en public. C’est un homme qui n’est pas dans le sentimentalisme. Son discours d’hier, au fond, était ultra rationnel. C’était un discours de la rationalité pure.

Je pense que certains ont été déçus, ils attendaient beaucoup d’émotion, de l’empathie. Mais je crois que ce n’est pas sa nature, ni la façon dont il voit son mandat. Il ne le voit pas comme celui d’un immense psychothérapeute de groupe, mais comme une espèce de chef de patrouille qui va essayer d’atteindre le but.

49.3 : « mieux vaut un échec démocratique plutôt qu’un succès vécu par les Français comme étant un coup de force »

Pourtant la politique, c’est de la littérature en action ?

Oui, complètement, mais je pense qu’il y a aussi une question de moment. Dans un pays qui est vraiment en proie aux passions tristes comme on dit, est-ce le moment d’en rajouter dans le lyrisme et dans l’émotion ? Ou est-ce qu’au contraire, c’est le moment de verser un peu d’eau froide sur la tête de tout le monde en rappelant qu’il y a des buts à atteindre.

L’opposition à cette réforme est politique, les gens sont vraiment contre le fait qu’on modifie notamment l’âge de la retraite mais la méthode a aussi été beaucoup contestée. Je pense que le côté « forçage politique » a été assez mal ressenti. J’ai été très frappé de ça : il a parlé du renouveau démocratique, mais n’a pas parlé des étapes démocratiques qui ont amené à l’adoption de cette réforme et qui ont été, je pense, vécus comme des coups de force successifs.

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Vous auriez pris le risque du vote plutôt que le 49.3 ? 

Je pense qu’il fallait prendre le risque du vote. C’était à 5 voix près, mais je pense qu’il vaut mieux un échec démocratique plutôt qu’un succès vécu par les Français comme étant un coup de force. Collectivement tout le monde a senti qu’on poussait le curseur un peu loin dans l’usage des institutions.

 

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